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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
entièrement avec toute la fontaine en 1704. A ce moment, non seule-
ment le goût décoratif paraît avoir changé à Versailles, mais
l’entretien de trop délicats ouvrages en rend de plus en plus difficile
la conservation. En beaucoup de bosquets, par exemple, les treillages
sont remplacés par des charmilles, et les grilles des « fontaines
renfermées» sont enlevées, le roi ayant alors décidé, dit Dangeau,
« que tous les jardins et toutes les fontaines fussent pour le public ».
Cette libéralité du prince se trouva assez mal récompensée ; les
mutilations et les vols devinrent fréquents, à cause de la multiplicité
des menus ornements et des pièces faciles à détacher. Blondel raconte
qu'on dut replacer les grilles en 1730 : « Il eut été à désirer qu’on
eut pris plus tôt ce parti; bien des figures de marbre, mutilées
aujourd'hui, auraient été conservées dans leur entier. D'ailleurs,
celles de métal, les conduites de plomb, les robinets de cuivre, rien
n'était en sûreté et, malgré l’attention des fontainiers à cet égard,
il est arrivé plus d une fois que plusieurs pièces d'eau rendaient
imparfaitement leur effet, la plupart des tuyaux qui étaient à décou-
vert ayant été enlevés la veille. »
Ces mésaventures nous étonnent, quand nous pensons à la vie de
Versailles, alors que le Château était habité, et au nombreux personnel
qui exerçait la surveillance. Mais, au temps des rois tout comme de
nos jours, le public se sentait chez lui dans le parc et dans les
jardins, et la grande liberté qu’il avait d’aller et de venir donnait
lieu, de jour et de nuit, à des abus de tout genre. Bien que les bonnes
mœurs aient eu quelquefois à en souffrir, nous ne voulons déplorer
ici que ceux dont pâtissaient les objets d'art.
PIERRE DE NOLHAC
(La suite prochainement.)
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
entièrement avec toute la fontaine en 1704. A ce moment, non seule-
ment le goût décoratif paraît avoir changé à Versailles, mais
l’entretien de trop délicats ouvrages en rend de plus en plus difficile
la conservation. En beaucoup de bosquets, par exemple, les treillages
sont remplacés par des charmilles, et les grilles des « fontaines
renfermées» sont enlevées, le roi ayant alors décidé, dit Dangeau,
« que tous les jardins et toutes les fontaines fussent pour le public ».
Cette libéralité du prince se trouva assez mal récompensée ; les
mutilations et les vols devinrent fréquents, à cause de la multiplicité
des menus ornements et des pièces faciles à détacher. Blondel raconte
qu'on dut replacer les grilles en 1730 : « Il eut été à désirer qu’on
eut pris plus tôt ce parti; bien des figures de marbre, mutilées
aujourd'hui, auraient été conservées dans leur entier. D'ailleurs,
celles de métal, les conduites de plomb, les robinets de cuivre, rien
n'était en sûreté et, malgré l’attention des fontainiers à cet égard,
il est arrivé plus d une fois que plusieurs pièces d'eau rendaient
imparfaitement leur effet, la plupart des tuyaux qui étaient à décou-
vert ayant été enlevés la veille. »
Ces mésaventures nous étonnent, quand nous pensons à la vie de
Versailles, alors que le Château était habité, et au nombreux personnel
qui exerçait la surveillance. Mais, au temps des rois tout comme de
nos jours, le public se sentait chez lui dans le parc et dans les
jardins, et la grande liberté qu’il avait d’aller et de venir donnait
lieu, de jour et de nuit, à des abus de tout genre. Bien que les bonnes
mœurs aient eu quelquefois à en souffrir, nous ne voulons déplorer
ici que ceux dont pâtissaient les objets d'art.
PIERRE DE NOLHAC
(La suite prochainement.)