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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
duire de plus noble et de plus large, grâce à la maturité précoce que
révèlent les efforts d’un Léonard ou d’un Fra Bartolommeo. Aussi,
en examinant de près la première des vastes compositions de Raphaël
dans cette célèbre chambre, celle de la Dispute, nous arrive-t-il
d’entrevoir à quel point le jeune peintre d’Urbin venait de s’assi-
miler la mâle dignité de ces deux maîtres, avec lesquels il avait
eu à Florence des relations dont la portée fut de la nature la plus
heureuse et la plus féconde, puisqu’il en est sorti tant d’œuvres
magistrales, destinées à l’admiration éternelle du monde civilisé.
On sent alors, de la manière la plus frappante, la communication de
l’esprit du Sanzio avec celui des deux grands Florentins dans une
œuvre qu'on regarde avec raison comme une préface de la Dispute,
nous voulons dire dans la pariie supérieure de la fresque qui décore la
petite église de San Sevcro, à Pérouse, où se voit également repré-
sentée la Trinité, figurée en ses trois personnes et environnée
d'anges et de saints assis dans les sphères célestes.
Dans la fresque du Vatican, Raphaël a agrandi et complété ce
qu’il n’avait pas achevé à Pérouse1, où la partie inférieure fut
exécutée plus tard par son maître Pérugin, celui-ci ayant ajouté
quelques figures de saints debout, qui témoignent d'une infériorité
d’autant plus accablante qu’elles se présentent à proximité des
figures d’un élève aussi inspiré. Au Vatican, c’est une vraie cour de
saints, de prophètes et de patriarches qui entoure la Trinité. 11 est
à présumer que Raphaël s’est occupé en détail de chacune de ces
belles et majestueuses figures, et, à ce sujet, nous tenons à rap-
procher ici de l’étude de Vierge de la Bibliothèque Ambrosienne
l’étude que possède la collection des Offices, et qui représente une
première pensée de la figure de notre premier ancêtre Adam, la seconde
parmi celles qu'on voit rangées sur les nuages du coté gauche de la
fresque. C’est une figure d’un sentiment extrêmement poétique, aux
lignes faciles et harmonieuses, se rattachant elle aussi aux créations
analogues d’un Fra Bartolommeo. Vient-on à comparer la tète avec
celle du même personnage exécutée dans la fresque, on devra con-
venir que si la dernière atteint à un effet plus complet sous le
rapport du pittoresque, grâce à son abondante chevelure et à la
barbe, elle est bien dépassée par la tôle dessinée en ce qui touche
1. A ce propos, il suffit de se rappeler la superbe étude conservée à Oxford
(Braun, n° 15), qui contient une réminiscence de la Bataille d'Anghiari, un profil
de caractère léonardesque et une tête rappelant nettement celles de Fra Barto-
lommeo.
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duire de plus noble et de plus large, grâce à la maturité précoce que
révèlent les efforts d’un Léonard ou d’un Fra Bartolommeo. Aussi,
en examinant de près la première des vastes compositions de Raphaël
dans cette célèbre chambre, celle de la Dispute, nous arrive-t-il
d’entrevoir à quel point le jeune peintre d’Urbin venait de s’assi-
miler la mâle dignité de ces deux maîtres, avec lesquels il avait
eu à Florence des relations dont la portée fut de la nature la plus
heureuse et la plus féconde, puisqu’il en est sorti tant d’œuvres
magistrales, destinées à l’admiration éternelle du monde civilisé.
On sent alors, de la manière la plus frappante, la communication de
l’esprit du Sanzio avec celui des deux grands Florentins dans une
œuvre qu'on regarde avec raison comme une préface de la Dispute,
nous voulons dire dans la pariie supérieure de la fresque qui décore la
petite église de San Sevcro, à Pérouse, où se voit également repré-
sentée la Trinité, figurée en ses trois personnes et environnée
d'anges et de saints assis dans les sphères célestes.
Dans la fresque du Vatican, Raphaël a agrandi et complété ce
qu’il n’avait pas achevé à Pérouse1, où la partie inférieure fut
exécutée plus tard par son maître Pérugin, celui-ci ayant ajouté
quelques figures de saints debout, qui témoignent d'une infériorité
d’autant plus accablante qu’elles se présentent à proximité des
figures d’un élève aussi inspiré. Au Vatican, c’est une vraie cour de
saints, de prophètes et de patriarches qui entoure la Trinité. 11 est
à présumer que Raphaël s’est occupé en détail de chacune de ces
belles et majestueuses figures, et, à ce sujet, nous tenons à rap-
procher ici de l’étude de Vierge de la Bibliothèque Ambrosienne
l’étude que possède la collection des Offices, et qui représente une
première pensée de la figure de notre premier ancêtre Adam, la seconde
parmi celles qu'on voit rangées sur les nuages du coté gauche de la
fresque. C’est une figure d’un sentiment extrêmement poétique, aux
lignes faciles et harmonieuses, se rattachant elle aussi aux créations
analogues d’un Fra Bartolommeo. Vient-on à comparer la tète avec
celle du même personnage exécutée dans la fresque, on devra con-
venir que si la dernière atteint à un effet plus complet sous le
rapport du pittoresque, grâce à son abondante chevelure et à la
barbe, elle est bien dépassée par la tôle dessinée en ce qui touche
1. A ce propos, il suffit de se rappeler la superbe étude conservée à Oxford
(Braun, n° 15), qui contient une réminiscence de la Bataille d'Anghiari, un profil
de caractère léonardesque et une tête rappelant nettement celles de Fra Barto-
lommeo.