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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
avait vu l’objet à la Sainte-Chapelle du château de Vincennes, où il
était conservé, et dit « qu’il avait longtemps servi au baptême des
enfants de France, et été porté à Fontainebleau pour le baptême du
Dauphin, qui régna ensuite sous le nom de Louis XIII. C’est une
espèce de cuvette qui fut faite, à ce qu’on dit, en 897'. »
Piganiol de la Force se faisait donc l’écho d’une opinion qui. à
la suite d’une mauvaise lecture de l’inscription prise pour des chiffres
mal tracés, avait reculé encore l’ancienneté de la pièce et la faisait
contemporaine des derniers Carolingiens. Cette opinion se trouvait
d’accord en cela avec la tradition qui voulait que la plupart des
objets orientaux alors connus en Europe, et dont quelques-uns
étaient conservés au trésor de Saint-Denis, eussent été envoyés à
Charlemagne par le khalife abbaside Haroun er Raschid.
Adrien de Longpérier, dans une étude parue dans la Revue
archéologique-, avait fait bonne justice de tous ces racontars et
démontré, par la seule autorité d’un examen attentif et d’une judi-
cieuse comparaison avec les monuments alors connus, que ce bassin,
où se lit, par trois fois inscrite, la signature de l’artiste qui le créa :
Fait par Ihn ez Zeïn, ne pouvait être attribué qu’à la première
moitié du xmc siècle et plutôt même au milieu de ce siècle qu’au
commencement.
Je suis surpris qu’Adrien de Longpérier n’ait pas attaché la
moindre importance au caractère des figures, qui est très lisible, car
la conservation des larges plaques d’argent gravé est remarquable.
Toutes ces faces portent nettement le caractère mongol, et bien que
les Mongols, au commencement du xmp siècle, ne fussent pas des
inconnus en Mésopotamie, un monument où la préoccupation du type
est si constante et si générale me semble être né dans un milieu où
l’influence mongole était devenue impérieuse. Mossoul tomba en leur
pouvoir en 1255, et leur domination s’y établit de façon durable. J in-
cline à croire que le « Baptistère de saint Louis » ne peut guère être
antérieur à cette date, et qu’il peut avoir été fait pour un prince mongol.
Le « Baptistère de saint Louis » marque l’apogée des ateliers de
Mossoul; l’art d incruster l’argent et, en le gravant, de donner aux
figures la vie, le style et le beau dessin de tous ces personnages qui,
sur aucune pièce connue, ne se présentent avec un caractère aussi
robuste, son étonnante conservation, font de cet objet un des plus
beaux et des plus somptueux qu’on puisse voir.
1. Description de Paris, éd. de 1742, t. VIII, p. 43 ; éd. de 1765, t. IX, p. 508.
2. Année 1866, 2' partie, p. 306-309.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
avait vu l’objet à la Sainte-Chapelle du château de Vincennes, où il
était conservé, et dit « qu’il avait longtemps servi au baptême des
enfants de France, et été porté à Fontainebleau pour le baptême du
Dauphin, qui régna ensuite sous le nom de Louis XIII. C’est une
espèce de cuvette qui fut faite, à ce qu’on dit, en 897'. »
Piganiol de la Force se faisait donc l’écho d’une opinion qui. à
la suite d’une mauvaise lecture de l’inscription prise pour des chiffres
mal tracés, avait reculé encore l’ancienneté de la pièce et la faisait
contemporaine des derniers Carolingiens. Cette opinion se trouvait
d’accord en cela avec la tradition qui voulait que la plupart des
objets orientaux alors connus en Europe, et dont quelques-uns
étaient conservés au trésor de Saint-Denis, eussent été envoyés à
Charlemagne par le khalife abbaside Haroun er Raschid.
Adrien de Longpérier, dans une étude parue dans la Revue
archéologique-, avait fait bonne justice de tous ces racontars et
démontré, par la seule autorité d’un examen attentif et d’une judi-
cieuse comparaison avec les monuments alors connus, que ce bassin,
où se lit, par trois fois inscrite, la signature de l’artiste qui le créa :
Fait par Ihn ez Zeïn, ne pouvait être attribué qu’à la première
moitié du xmc siècle et plutôt même au milieu de ce siècle qu’au
commencement.
Je suis surpris qu’Adrien de Longpérier n’ait pas attaché la
moindre importance au caractère des figures, qui est très lisible, car
la conservation des larges plaques d’argent gravé est remarquable.
Toutes ces faces portent nettement le caractère mongol, et bien que
les Mongols, au commencement du xmp siècle, ne fussent pas des
inconnus en Mésopotamie, un monument où la préoccupation du type
est si constante et si générale me semble être né dans un milieu où
l’influence mongole était devenue impérieuse. Mossoul tomba en leur
pouvoir en 1255, et leur domination s’y établit de façon durable. J in-
cline à croire que le « Baptistère de saint Louis » ne peut guère être
antérieur à cette date, et qu’il peut avoir été fait pour un prince mongol.
Le « Baptistère de saint Louis » marque l’apogée des ateliers de
Mossoul; l’art d incruster l’argent et, en le gravant, de donner aux
figures la vie, le style et le beau dessin de tous ces personnages qui,
sur aucune pièce connue, ne se présentent avec un caractère aussi
robuste, son étonnante conservation, font de cet objet un des plus
beaux et des plus somptueux qu’on puisse voir.
1. Description de Paris, éd. de 1742, t. VIII, p. 43 ; éd. de 1765, t. IX, p. 508.
2. Année 1866, 2' partie, p. 306-309.