CONQUÊTES ARTISTIQUES DE LA RÉVOLUTION ET DE L’EMPIRE 157
Je présume bien que mes difficultés auront pour résultat ce qui est déjà arrivé, et
que le Musée a cessé d'exister.
Je n’ai point vu M. de Rosa ; j’aurai soin de ne pas le voir, que je n’aie reçu par vous
les ordres du Roi. Dans l’ordre des choses, ce n’est point à moi qu'il devrait s’adresser.
Mais puisque toutes les puissances commettent cette irrégularité et qu’elles arrivent
au même but, je crois qu'il est toujours utile de constater la violence.
Les Anglais et les Prussiens commandent en ce moment au Musée; l’Autriche,
comme puissance alliée, peut se joindre à eux pour dévaliser cet établissement. Je ne
pense pas que je doive me prêter en rien à de semblables opérations.
Agréez, etc...
Denon1.
Rosa ne pouvant réussir à être reçu du directeur du Musée, ce sont des sabres
qui se présentent en son lieu et place. C’est ce qu’annonce deux jours après
Denon à son supérieur :
23 septembre 1815.
Monsieur le Comte,
Aujourd’hui, à 8 heures du matin, s'est présenté chez moi le premier aide-de-camp du
prince de Schwartzemberg, pour me demander de la part de son général, les objets d’art
provenant de Venise, Parme, Plaisance et Florence2. Sur l’observation que je lui ai faite
t. Archives Nationales, O3 1429.
2. Les alliés n’opéraient pas seulement au Louvre, mais dans les églises parisiennes et sur la place
publique, comme en témoigne le récit suivant consigné par Denon sur l'un des registres du Louvre :
« NOTE RELATIVE A LA DESCENTE DES QUATRE CHEVAUX DE BRONZE PLACÉS SUR I.’aRC DE TRIOMPHE DU CARROUSEL
» 25 septembre 1815.
» Un aide de camp du Prince Swazenberg (sic), accompagné d’un colonel du dénie,est venu chez le Direc-
teur général du Musée, pour lui signifier l'ordre de faire descendre les chevaux en bronze qui couronnent
l’arc de triomphe du Carrousel.
» Le Directeur a répondu que l’arc de triomphe était un monument public sur lequel il n’avait aucune
inspection.
» Ils ont objecté que c’était le Directeur qui l’avait fait élever et, sur la négation formelle de celui-ci,ils
ont demandé l’adresse de l’architecte. Le Directeur a répondu que depuis un an il ignorait la demeure de cet
architecte.
» Les deux officiers autrichiens se sont alors retirés avec politesse, en annonçant qu’ils allaient chercher
ailleurs les moyens que le Directeur ne pouvait leur fournir.
» En foi de quoi j'ai rédigé sur-le-champ le présent proces-verbal que j’ai signé.
» NOTE HISTORIQUE SUR LES OPÉRATIONS PARTICULIÈRES AU PROCÈS-VERBAL Cl-DESSUS
» Dans la nuit du lendemain, des ouvriers et des soldats autrichiens déguisés sont venus, accompagnant une
petite charrette, jusque sous l'arc de triomphe. Ils sont montés sur la plateforme, ayant ouvert la porle qui
communique à l’escalier et dont, sans doute, ils s’étaient procuré la clef. Ils ont commencé par enlever la
feuille de plomb qui couvrait le soubassement et ont tenté d’arracher les pierres où étaient scellés les
boulons qui retiennent las pieds des chevaux.
» Le bruit qu'occasionnait ce travail a ameuté les habitants, qui ont cru que l’on faisait une fougasse. La
foule inquiète, se rappelant les tenlalives faites sur le pont d’Iéna et croyant entrevoir un baril de poudre
sur la charrette, s’est agitée et est allée chercher la garde nationale, qui, n’élant pas dans le secret., a partagé
l’inquiétude du public ; effrayés de ces murmures, les ouvriers sont descendus et ont emmené la charrette,
après avoir été menacés par la garde nationale. Le jour a éclairé la tentative faite sur la plaque de plomb de
la plateforme.
» Dans cette journée, les groupes se sont multipliés et ont témoigné la surprise que leur causait un pareil
attentat, commis pendant la huit. Des patrouilles de garde nationale et de gendarmerie ont traversé conti-
nuellement la foule, en invitant les assistants à se retirer.
» Le soir, lorsque la nuit était close, des piquets de cavalerie autrichienne, soutenus par des piquets de
gendarmerie municipale, sont venus prendre poste au milieu du Carrousel ; les ouvriers sont montés de
nouveau sui la plateforme et ont commencé leurs travaux. (D’après Viel-Castel, Histoire de la Restauration,
Wellington, en uniforme, était présent à cet enlèvement.)
» N'ayant pas trouvé dans leur armée un ingénieur pour diriger les travaux, les Autrichiens se sont
Je présume bien que mes difficultés auront pour résultat ce qui est déjà arrivé, et
que le Musée a cessé d'exister.
Je n’ai point vu M. de Rosa ; j’aurai soin de ne pas le voir, que je n’aie reçu par vous
les ordres du Roi. Dans l’ordre des choses, ce n’est point à moi qu'il devrait s’adresser.
Mais puisque toutes les puissances commettent cette irrégularité et qu’elles arrivent
au même but, je crois qu'il est toujours utile de constater la violence.
Les Anglais et les Prussiens commandent en ce moment au Musée; l’Autriche,
comme puissance alliée, peut se joindre à eux pour dévaliser cet établissement. Je ne
pense pas que je doive me prêter en rien à de semblables opérations.
Agréez, etc...
Denon1.
Rosa ne pouvant réussir à être reçu du directeur du Musée, ce sont des sabres
qui se présentent en son lieu et place. C’est ce qu’annonce deux jours après
Denon à son supérieur :
23 septembre 1815.
Monsieur le Comte,
Aujourd’hui, à 8 heures du matin, s'est présenté chez moi le premier aide-de-camp du
prince de Schwartzemberg, pour me demander de la part de son général, les objets d’art
provenant de Venise, Parme, Plaisance et Florence2. Sur l’observation que je lui ai faite
t. Archives Nationales, O3 1429.
2. Les alliés n’opéraient pas seulement au Louvre, mais dans les églises parisiennes et sur la place
publique, comme en témoigne le récit suivant consigné par Denon sur l'un des registres du Louvre :
« NOTE RELATIVE A LA DESCENTE DES QUATRE CHEVAUX DE BRONZE PLACÉS SUR I.’aRC DE TRIOMPHE DU CARROUSEL
» 25 septembre 1815.
» Un aide de camp du Prince Swazenberg (sic), accompagné d’un colonel du dénie,est venu chez le Direc-
teur général du Musée, pour lui signifier l'ordre de faire descendre les chevaux en bronze qui couronnent
l’arc de triomphe du Carrousel.
» Le Directeur a répondu que l’arc de triomphe était un monument public sur lequel il n’avait aucune
inspection.
» Ils ont objecté que c’était le Directeur qui l’avait fait élever et, sur la négation formelle de celui-ci,ils
ont demandé l’adresse de l’architecte. Le Directeur a répondu que depuis un an il ignorait la demeure de cet
architecte.
» Les deux officiers autrichiens se sont alors retirés avec politesse, en annonçant qu’ils allaient chercher
ailleurs les moyens que le Directeur ne pouvait leur fournir.
» En foi de quoi j'ai rédigé sur-le-champ le présent proces-verbal que j’ai signé.
» NOTE HISTORIQUE SUR LES OPÉRATIONS PARTICULIÈRES AU PROCÈS-VERBAL Cl-DESSUS
» Dans la nuit du lendemain, des ouvriers et des soldats autrichiens déguisés sont venus, accompagnant une
petite charrette, jusque sous l'arc de triomphe. Ils sont montés sur la plateforme, ayant ouvert la porle qui
communique à l’escalier et dont, sans doute, ils s’étaient procuré la clef. Ils ont commencé par enlever la
feuille de plomb qui couvrait le soubassement et ont tenté d’arracher les pierres où étaient scellés les
boulons qui retiennent las pieds des chevaux.
» Le bruit qu'occasionnait ce travail a ameuté les habitants, qui ont cru que l’on faisait une fougasse. La
foule inquiète, se rappelant les tenlalives faites sur le pont d’Iéna et croyant entrevoir un baril de poudre
sur la charrette, s’est agitée et est allée chercher la garde nationale, qui, n’élant pas dans le secret., a partagé
l’inquiétude du public ; effrayés de ces murmures, les ouvriers sont descendus et ont emmené la charrette,
après avoir été menacés par la garde nationale. Le jour a éclairé la tentative faite sur la plaque de plomb de
la plateforme.
» Dans cette journée, les groupes se sont multipliés et ont témoigné la surprise que leur causait un pareil
attentat, commis pendant la huit. Des patrouilles de garde nationale et de gendarmerie ont traversé conti-
nuellement la foule, en invitant les assistants à se retirer.
» Le soir, lorsque la nuit était close, des piquets de cavalerie autrichienne, soutenus par des piquets de
gendarmerie municipale, sont venus prendre poste au milieu du Carrousel ; les ouvriers sont montés de
nouveau sui la plateforme et ont commencé leurs travaux. (D’après Viel-Castel, Histoire de la Restauration,
Wellington, en uniforme, était présent à cet enlèvement.)
» N'ayant pas trouvé dans leur armée un ingénieur pour diriger les travaux, les Autrichiens se sont