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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
le contour indécis1. Enfin, on y découvre avec Timoteo Viti des
analogies qu’une familiarité croissante avec le style ombrien n’a pas
encore oblitérées. Dans le Couronnement delà Vierge (1502) et dans
la Crucifixion (1501-1502), ces analogies ont toutes disparu et le pur
style péruginesque est adopté ; or, ce point n’est pas encore atteint
ici. Mais avant d’en venir à cette particularité remarquable, qui ne
s’impose pas avec la même évidence que l’usage du style ombrien,
voyons exactement à quel degré de développement le jeune artiste
est parvenu.
L’examen de ces petits panneaux montre qu’aux débuts de sa
carrière Raphaël dut subir l’influence de Pinturicchio. Le contour
ondoyant des formes, les draperies flottantes, les attitudes, les types,
tout rappelle Pinturicchio, alors dans la maturité de son âge ; et,
comme tous les iconographes l’ont remarqué, les rapports de son art
avec celui du jeune artiste se décèlent dans plusieurs des Madones
de la première époque et dans d’autres sujets. Morelli a été jusqu’à
déclarer que la petite prédelle de Richmond était de Pinturicchio,
jugement qu’aucun critique ne consentirait à endosser à cette heure.
Cependant, la vérité semble être que le jeune Raphaël se servit de
quelques esquisses ou dessins de Pinturicchio pour exécuter son
œuvre, comme s'il se fût défié de ses propres forces au moment
d’aborder un sujet insolite. Nous savons qu’il adopta ce système
pour la Crucifxion et d’autres tableaux où il a recouru aux compo-
sitions de Pérugin ; il est donc infiniment probable qu’il en fit de
même pour le retable de Saint Nicolas de Tolentino.
Voilà une influence qui se révèle. En voici une autre. Si, comme
je le crois, la prédelle de ce retable date de 1500, si, en d’autres
termes, elle vient immédiatement après la bannière, nous devons
sûrement y rencontrer quelque trace de Timoteo Viti et du style
ferrarais. Notre attente trouve une réponse toute prête. Examinons
la figure du jeune homme décapité : le modèle en existe dans un
tableau attribué à Timoteo Viti qui est conservé dans la collection
du colonel Legh (Chesliire), et représente la Détresse du Christ au
Jardin des oliviers. C’est la figure vue en raccourci du saint Jacques
endormi — dans une attitude presque grotesque et toute différente
de celle qui est ordinairement de mise dans ce sujet — que le jeune
Raphaël a empruntée pour son propre usage. La légende, remar-
quons-le, ne comporte pas de personnage mis à mort ; Raphaël a
1. Il ne saurait être question de supposer que Raphaël, simple garzone, ait eu
des aides à cette première époque.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
le contour indécis1. Enfin, on y découvre avec Timoteo Viti des
analogies qu’une familiarité croissante avec le style ombrien n’a pas
encore oblitérées. Dans le Couronnement delà Vierge (1502) et dans
la Crucifixion (1501-1502), ces analogies ont toutes disparu et le pur
style péruginesque est adopté ; or, ce point n’est pas encore atteint
ici. Mais avant d’en venir à cette particularité remarquable, qui ne
s’impose pas avec la même évidence que l’usage du style ombrien,
voyons exactement à quel degré de développement le jeune artiste
est parvenu.
L’examen de ces petits panneaux montre qu’aux débuts de sa
carrière Raphaël dut subir l’influence de Pinturicchio. Le contour
ondoyant des formes, les draperies flottantes, les attitudes, les types,
tout rappelle Pinturicchio, alors dans la maturité de son âge ; et,
comme tous les iconographes l’ont remarqué, les rapports de son art
avec celui du jeune artiste se décèlent dans plusieurs des Madones
de la première époque et dans d’autres sujets. Morelli a été jusqu’à
déclarer que la petite prédelle de Richmond était de Pinturicchio,
jugement qu’aucun critique ne consentirait à endosser à cette heure.
Cependant, la vérité semble être que le jeune Raphaël se servit de
quelques esquisses ou dessins de Pinturicchio pour exécuter son
œuvre, comme s'il se fût défié de ses propres forces au moment
d’aborder un sujet insolite. Nous savons qu’il adopta ce système
pour la Crucifxion et d’autres tableaux où il a recouru aux compo-
sitions de Pérugin ; il est donc infiniment probable qu’il en fit de
même pour le retable de Saint Nicolas de Tolentino.
Voilà une influence qui se révèle. En voici une autre. Si, comme
je le crois, la prédelle de ce retable date de 1500, si, en d’autres
termes, elle vient immédiatement après la bannière, nous devons
sûrement y rencontrer quelque trace de Timoteo Viti et du style
ferrarais. Notre attente trouve une réponse toute prête. Examinons
la figure du jeune homme décapité : le modèle en existe dans un
tableau attribué à Timoteo Viti qui est conservé dans la collection
du colonel Legh (Chesliire), et représente la Détresse du Christ au
Jardin des oliviers. C’est la figure vue en raccourci du saint Jacques
endormi — dans une attitude presque grotesque et toute différente
de celle qui est ordinairement de mise dans ce sujet — que le jeune
Raphaël a empruntée pour son propre usage. La légende, remar-
quons-le, ne comporte pas de personnage mis à mort ; Raphaël a
1. Il ne saurait être question de supposer que Raphaël, simple garzone, ait eu
des aides à cette première époque.