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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 3. Pér. 23.1900

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Nr. 3
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Geffroy, Gustave: Jules Dalou
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https://doi.org/10.11588/diglit.24720#0238

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JULES DALOU

223

Cette République est bien où elle doit être, place de la Nation :
le visage tourné vers le faubourg Saint-Antoine, elle domine de sa
figure aérienne cent ans d'histoire, les foules écoulées, les foules à
venir. C’est avec la foule qu’il faut la voir, comme on l’a vue au jour
de l’inauguration, la place remuante, le défilé sans fin qui semblait
entraîner le char, la République svelte et précise, apparaissant seule
au-dessus de l’humanité en marche. Il y a de ces bonheurs dans la
vie d’un artiste : M. Dalou, ce jour-là, a certainement vu vivre son
œuvre, il l’a sentie en communication avec la vie environnante,
avec le Paris historique, avec ces corps de métiers qui continuent la
grande tradition du travail, l’évolution vitale de la race. M. Dalou,
parti il y a trente ans en exilé, salué aujourd’hui comme un vain-
queur, aura connu ainsi, non pas l'ironie des choses, mais la justice
immanente que célébrait un jour un orateur qu’il aimait, cette
justice lente, tardive, qui va, tâtonne, s’arrête, mais qui, finalement,
tient compte de tous les efforts et récompense tous les labeurs.

IV

C’est surtout le Triomphe de la République qui a été la raison
d’être de cette esquisse de la physionomie de l’artiste. Userait, toute-
fois, injuste de ne pas s’arrêter au Monument d’Alphand, dont j’ai dit,
au début de ces lignes, l’emplacement et la signification. Alphand,
directeur des travaux de Paris, qui a été l’un des agents actifs de la
transformation de notre ville, avait droit à ce que son souvenir fût
gardé. Il eut, pendant des années, la haute main sur tout, présidant
à la réfection des égoûts et à l’enlèvement des neiges comme à l’édi-
fication des œuvres d’art. En embellissant Paris, il est certain qu’il
l’a aussi banalisé, qu’il a aidé au développement des avenues droites,
des carrefours semblables. Il a obéi en cela à l’impulsion qui crée,
à l'ouest de Paris, une ville nouvelle, cosmopolite et luxueuse,
et il lui aurait été probablement difficile de contrarier un mouve-
ment qui a ses origines dans notre civilisation industrielle, qui a
sa logique, qui se produit concurremment avec des mouvements
analogues dans le reste du monde, et qui aura son aboutissement
fatal. Alphand a travaillé à cette œuvre, mais il a, aussi, aimé la
verdure, et par là il aura donné une bonne leçon de choses aux cita-
dins qui sauront la comprendre, leur indiquant, consciemment ou
inconsciemment, qu’importe ! le refuge de la nature pour se reposer,
se retrouver, se refaire, lorsqu’ils auront enfin l’effroi du surmenage
imposé par la vie des grandes villes.
 
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