CORRESPONDANCE DE RELGIQUE
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L’exposition d’Anvers à peine close, voici Bruxelles se mettant en mesure
d’en organiser une autre, cette fois d’œuvres primitives flamandes tirées des
galeries privées de la Belgique. Certes, il y a une ample moisson à faire et
les organisateurs trouveront bien plus qu’ils n’osent espérer comme éléments
de leur exposition. Dès maintenant, les journaux annoncent que deux cents
morceaux leur sont promis, et la chose n’aurait rien de surprenant. Si l’on pou-
vait disposer de certaines peintures appartenant encore à des églises de Flandre
et de Hainaut, en dépit des dévastations du xvie siècle et de la quantité consi-
dérable d’œuvres d’art enlevées par la République et non rentrées en 1815,
l’ensemble serait d’une prodigieuse richesse. L’étranger se doute à peine du
nombre énorme d’œuvres artistiques accumulées dans les édifices du culte, les
couvents, les établissements charitables de la Flandre et, jusqu’à ce jour, à peine
étudiées. L’inventaire de ces richesses serait des plus intéressants. Bruges, à
l’heure actuelle, est encore un vrai musée et possède des maîtres locaux, en
quelque sorte inconnus ailleurs : tels Ant. Glaeissens et Lancelot Blondeel,
contemporains d’Albert Dürer et artistes de la plus haute valeur.
Si les peintures sur bois et sur toile sont peu connues, les peintures murales
le sont moins encore. Il est rare que les travaux de réfection entrepris dans les
églises n’en fassent apparaître quelque fragment sous le badigeon. D’ordinaire,
ces peintures ne sont ni très anciennes, ni très développées, si l’on en excepte
les groupes de si grand caractère décorant une dépendance de l’hospice de la
Byloque, à Gand. Récemment, à Matines, sur le mur, à la place occupée par le
Crucifiement de la cathédrale de Saint-Rombaut, envoyé à l’exposition van Dyck,
on découvrit une fresque en bon état; on assure qu’elle sera conservée.
La restauration des peintures murales est chose extrêmement délicate et
n’aboutit, le plus souvent, qu’à une quasi-destruction. Il n’en faut pour exemple
que la série des portraits des comtes de Flandre, à l’hôtel de ville d’Ypres, ou
bien encore celle de la chapelle de Sainte-Catherine, à Notre-Dame de Courtrai,
où sont figurés les mêmes princes. De ces intéressants ensembles il reste à peine
mieux que le souvenir.
Il en était de même, ou peu s’en fallait, de la fameuse peinture de l’Ancienne
Boucherie, à Gand, dont il a été beaucoup question ces derniers mois. Cette
œuvre, par bonheur, offrait la particularité d’être peinte à l’huile, ce qui, sans
doute, a aidé à sa conservation. Elle vient d’être l’objet d’un nettoyage soi-
gneux, conduit avec beaucoup d’entente par M. Lybaert, un peintre gantois, et,
comme elle offre bien plus qu’un intérêt local, peut-être me saura-t-on gré d’en
dire ici quelques mots.
L’Ancienne Boucherie de Gand est une construction datant des premières
années du xve siècle, convertie depuis peu d’années en bureau central des Messa-
geries de l’État. Sur le mur du sud, à l’emplacement de l’ancienne chapelle des
Bouchers, existe une peinture que le hasard fit découvrir, sous une couche de
badigeon, en 1855. Une inscription fort mutilée fit connaître que l’œuvre, due à
la munificence de Jacques de Ketelbutere, datait de 1448.
La composition, en figures plus petites que nature, représente La Nativité.
A la partie supérieure apparaît le Père éternel; au premier plan, sont agenouillés
Philippe le Bon, Isabelle de Portugal, le comte de Charolais, leur fils, enfin le
jeune Adolphe de Clèves, seigneur de Ravenstein, leur neveu. Et, pour qu’il n’y
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L’exposition d’Anvers à peine close, voici Bruxelles se mettant en mesure
d’en organiser une autre, cette fois d’œuvres primitives flamandes tirées des
galeries privées de la Belgique. Certes, il y a une ample moisson à faire et
les organisateurs trouveront bien plus qu’ils n’osent espérer comme éléments
de leur exposition. Dès maintenant, les journaux annoncent que deux cents
morceaux leur sont promis, et la chose n’aurait rien de surprenant. Si l’on pou-
vait disposer de certaines peintures appartenant encore à des églises de Flandre
et de Hainaut, en dépit des dévastations du xvie siècle et de la quantité consi-
dérable d’œuvres d’art enlevées par la République et non rentrées en 1815,
l’ensemble serait d’une prodigieuse richesse. L’étranger se doute à peine du
nombre énorme d’œuvres artistiques accumulées dans les édifices du culte, les
couvents, les établissements charitables de la Flandre et, jusqu’à ce jour, à peine
étudiées. L’inventaire de ces richesses serait des plus intéressants. Bruges, à
l’heure actuelle, est encore un vrai musée et possède des maîtres locaux, en
quelque sorte inconnus ailleurs : tels Ant. Glaeissens et Lancelot Blondeel,
contemporains d’Albert Dürer et artistes de la plus haute valeur.
Si les peintures sur bois et sur toile sont peu connues, les peintures murales
le sont moins encore. Il est rare que les travaux de réfection entrepris dans les
églises n’en fassent apparaître quelque fragment sous le badigeon. D’ordinaire,
ces peintures ne sont ni très anciennes, ni très développées, si l’on en excepte
les groupes de si grand caractère décorant une dépendance de l’hospice de la
Byloque, à Gand. Récemment, à Matines, sur le mur, à la place occupée par le
Crucifiement de la cathédrale de Saint-Rombaut, envoyé à l’exposition van Dyck,
on découvrit une fresque en bon état; on assure qu’elle sera conservée.
La restauration des peintures murales est chose extrêmement délicate et
n’aboutit, le plus souvent, qu’à une quasi-destruction. Il n’en faut pour exemple
que la série des portraits des comtes de Flandre, à l’hôtel de ville d’Ypres, ou
bien encore celle de la chapelle de Sainte-Catherine, à Notre-Dame de Courtrai,
où sont figurés les mêmes princes. De ces intéressants ensembles il reste à peine
mieux que le souvenir.
Il en était de même, ou peu s’en fallait, de la fameuse peinture de l’Ancienne
Boucherie, à Gand, dont il a été beaucoup question ces derniers mois. Cette
œuvre, par bonheur, offrait la particularité d’être peinte à l’huile, ce qui, sans
doute, a aidé à sa conservation. Elle vient d’être l’objet d’un nettoyage soi-
gneux, conduit avec beaucoup d’entente par M. Lybaert, un peintre gantois, et,
comme elle offre bien plus qu’un intérêt local, peut-être me saura-t-on gré d’en
dire ici quelques mots.
L’Ancienne Boucherie de Gand est une construction datant des premières
années du xve siècle, convertie depuis peu d’années en bureau central des Messa-
geries de l’État. Sur le mur du sud, à l’emplacement de l’ancienne chapelle des
Bouchers, existe une peinture que le hasard fit découvrir, sous une couche de
badigeon, en 1855. Une inscription fort mutilée fit connaître que l’œuvre, due à
la munificence de Jacques de Ketelbutere, datait de 1448.
La composition, en figures plus petites que nature, représente La Nativité.
A la partie supérieure apparaît le Père éternel; au premier plan, sont agenouillés
Philippe le Bon, Isabelle de Portugal, le comte de Charolais, leur fils, enfin le
jeune Adolphe de Clèves, seigneur de Ravenstein, leur neveu. Et, pour qu’il n’y