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GAZETTE DES BEAUX-ARTS
beau. C’était un homme de goût, comme Érétrie, où florissait une école de
philosophie platonicienne, doit en avoir compté beaucoup au ive siècle.
Nous possédons même un très intéressant témoignage de l’influence exercée
par le grand art attique de cette époque sur les sculpteurs d’Érétrie. En 1885,
on y a découvert une statue de grandeur naturelle, aujourd’hui conservée au
musée d’Athènes. Elle représente un éphèbe drapé. Le corps est quelconque,
conforme à un modèle mille fois reproduit par les auteurs de statues d’orateurs,
de poètes, de philosophes ; mais la tête est une des meilleures répliques connues
d’un type créé par Scopas, que l’on retrouve, par exemple, dans l’Hercule jeune
de la collection Lansdowne, à Londres, et dans le Méléagre de la Villa Médicis, à
Rome 1. Le fait que cette tête n’est pas un portrait, mais la copie d’un type idéal
du grand art, prête à quelques réflexions. Ne serions-nous pas en présence
DIONYSOS COMBATTANT l'N GÉANT
(Vase de Hiéron, au musée de Boston.)
d’une statue funéraire où le défunt est représenté dans le costume et l’attitude
de sa profession, mais sous les traits du dieu et du héros auquel la mort et l’hé-
roïsation consécutive l’ont assimilé? Le même musée d’Athènes possède une
statue d’Hermès, découverte à Andros, qui surmontait une tombe; et l’on a déjà
émis l’opinion que la plupart des statues archaïques qualifiées d’Apollon, celles
de Ténéa, de Théra, d’Actium, etc., sont, en réalité, funéraires. La distinction
entre l’homme mort et le dieu est imprécise. Ce qui est singulier, c’est de don-
ner une tête héroïque ou divine à une statue qui se présente, au premier abord,
avec les allures d’un portrait. Le fait n’est peut-être pas sans exemple. Mais l’on
observe bien plus fréquemment la combinaison contraire, consistant à placer
une tête réaliste, un portrait, sur le corps d’une divinité reconnaissable à son
costume et à ses attributs. Telles les impératrices romaines en Aphrodite, les
empereurs en Achille, etc. La statue d’Erétrie, qui n’avait pas encore été publiée2,
paraît être la plus importante de celles où l’héroïsation est, si l’on peut dire,
limitée à la tête. L’inconvénient de ce procédé est, évidemment, de rendre le
1. Furtwaengler, Masterpieces, fig. 125, et pl. à la p. 306.
2. Elle est décrite dans le catalogue du musée d’Athènes, par M. Cavvadias,t. I,n°244.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS
beau. C’était un homme de goût, comme Érétrie, où florissait une école de
philosophie platonicienne, doit en avoir compté beaucoup au ive siècle.
Nous possédons même un très intéressant témoignage de l’influence exercée
par le grand art attique de cette époque sur les sculpteurs d’Érétrie. En 1885,
on y a découvert une statue de grandeur naturelle, aujourd’hui conservée au
musée d’Athènes. Elle représente un éphèbe drapé. Le corps est quelconque,
conforme à un modèle mille fois reproduit par les auteurs de statues d’orateurs,
de poètes, de philosophes ; mais la tête est une des meilleures répliques connues
d’un type créé par Scopas, que l’on retrouve, par exemple, dans l’Hercule jeune
de la collection Lansdowne, à Londres, et dans le Méléagre de la Villa Médicis, à
Rome 1. Le fait que cette tête n’est pas un portrait, mais la copie d’un type idéal
du grand art, prête à quelques réflexions. Ne serions-nous pas en présence
DIONYSOS COMBATTANT l'N GÉANT
(Vase de Hiéron, au musée de Boston.)
d’une statue funéraire où le défunt est représenté dans le costume et l’attitude
de sa profession, mais sous les traits du dieu et du héros auquel la mort et l’hé-
roïsation consécutive l’ont assimilé? Le même musée d’Athènes possède une
statue d’Hermès, découverte à Andros, qui surmontait une tombe; et l’on a déjà
émis l’opinion que la plupart des statues archaïques qualifiées d’Apollon, celles
de Ténéa, de Théra, d’Actium, etc., sont, en réalité, funéraires. La distinction
entre l’homme mort et le dieu est imprécise. Ce qui est singulier, c’est de don-
ner une tête héroïque ou divine à une statue qui se présente, au premier abord,
avec les allures d’un portrait. Le fait n’est peut-être pas sans exemple. Mais l’on
observe bien plus fréquemment la combinaison contraire, consistant à placer
une tête réaliste, un portrait, sur le corps d’une divinité reconnaissable à son
costume et à ses attributs. Telles les impératrices romaines en Aphrodite, les
empereurs en Achille, etc. La statue d’Erétrie, qui n’avait pas encore été publiée2,
paraît être la plus importante de celles où l’héroïsation est, si l’on peut dire,
limitée à la tête. L’inconvénient de ce procédé est, évidemment, de rendre le
1. Furtwaengler, Masterpieces, fig. 125, et pl. à la p. 306.
2. Elle est décrite dans le catalogue du musée d’Athènes, par M. Cavvadias,t. I,n°244.