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d'une exploitation voisine, ou directement au
voleur.
Il préférera une vieille chaudière décrépie
à une machine nouvelle et, si cette vieille
chaudière a été rebutée et condamnée, lui et
l'inspecteur du gouvernement arrangeront
l'affaire au mieux de leurs intérêts mutuels.
Le lecteur se demandera : Et les acci-
dents ?
Grâce à la puissance des roupie* l'explo-
sion d'une chaudière n'est jamais suivie
d'inconvénients. Une somme relativement
modeste assurera le silence de la veuve et les
autres personnesemployéesdansl'exploitation
n'auraient garde de dire quoicpiece soitparce
qu'ils craindraient de déplaire à l'employeur
qui est de leur race. Au surplus, celui-ci se
met à l'abri d'un tel inconvénient en ne
payant les salaires qu'avec un ou deux mois
de retard, une longue expérience lui ayant
prouvé que cette manière de faire sa propre
police est particulièrement avantageuse.
Et s'il peut prolonger cette situation de
quatre mois, lorsqu'il voit ses affaires prendre
une mauvaise tournure, il ne manquera pas
le coup. Ses voisins le déclareront habile
financier et diplomate.
Cette habileté n'a été acquise qu'après
quelques tourments qui ont forgé le carac-
tère. Un des moindres est l'éducation pre-
mière donnée à l'exploitant nouveau venu et
ignorant encore les us et coutumes.
D'abord, ils ne peut supporter les lazzis des
ouvriers et se fâche : « Si ce travail n'est pas
terminé dans une heure, je vous renvoie! »
Il retourne chez lui, puis revenant une
heure après, constate que le travail n'a pas
avancé d'un pouce et que la moitié du per-
sonnel dort (il fait si chaud !). Il prend immé-
diatement ses dispositions pour accomplir sa
menace de renvoi, mais à peine l'a-t-il for-
mulée que tout son personnel l'empoigne, le
tue à moitié, puis se dirige vers le plus pro-
chain magistrat indigène. Arrivés au Kutcheri
(maison de ville), les ouvriers déclarent que
le propriétaire a refusé de leur payer leurs
salaires et que, lui ayant adressé des repro-
ches, il les a battus tous. Le Sahib accepte
généralement cette histoire plausible, mais
si, cependant, le propriétaire ne s'en contente
pas et exige que les ouvriers soient reconnus
coupables, ces derniers sont plutôt heureux
qu'autrement, car ilsconsidèrent qu'être logés
et nourris pendant quelques mois par le gou-
vernement, à rien faire, est une belle perspec-
tive.
Voilà un spécimen de leur état mental.
Ce même jeu de scène se reproduit si le
propriétaire a l'entêtement de vouloir, mal-
gré eux, monter une'installation comportant
Vase
des machines nouvelles. Il n'y a que quelques
outils que les ouvriers indiens consentent à
prendre ; encore les « perdent-ils » bien sou-
vent dans le bar proche, le prix d'achat
donné par le débitant étant pour un levier
ou une barre à mine : une bouteille du meil-
leur marché et plus mortel brandy ou
whisky.
* *
La négligence, l'inattention et le laisser-
aller des carriers indiens est proverbiale
dans ce milieu. Ils donnent rarement le
d'une exploitation voisine, ou directement au
voleur.
Il préférera une vieille chaudière décrépie
à une machine nouvelle et, si cette vieille
chaudière a été rebutée et condamnée, lui et
l'inspecteur du gouvernement arrangeront
l'affaire au mieux de leurs intérêts mutuels.
Le lecteur se demandera : Et les acci-
dents ?
Grâce à la puissance des roupie* l'explo-
sion d'une chaudière n'est jamais suivie
d'inconvénients. Une somme relativement
modeste assurera le silence de la veuve et les
autres personnesemployéesdansl'exploitation
n'auraient garde de dire quoicpiece soitparce
qu'ils craindraient de déplaire à l'employeur
qui est de leur race. Au surplus, celui-ci se
met à l'abri d'un tel inconvénient en ne
payant les salaires qu'avec un ou deux mois
de retard, une longue expérience lui ayant
prouvé que cette manière de faire sa propre
police est particulièrement avantageuse.
Et s'il peut prolonger cette situation de
quatre mois, lorsqu'il voit ses affaires prendre
une mauvaise tournure, il ne manquera pas
le coup. Ses voisins le déclareront habile
financier et diplomate.
Cette habileté n'a été acquise qu'après
quelques tourments qui ont forgé le carac-
tère. Un des moindres est l'éducation pre-
mière donnée à l'exploitant nouveau venu et
ignorant encore les us et coutumes.
D'abord, ils ne peut supporter les lazzis des
ouvriers et se fâche : « Si ce travail n'est pas
terminé dans une heure, je vous renvoie! »
Il retourne chez lui, puis revenant une
heure après, constate que le travail n'a pas
avancé d'un pouce et que la moitié du per-
sonnel dort (il fait si chaud !). Il prend immé-
diatement ses dispositions pour accomplir sa
menace de renvoi, mais à peine l'a-t-il for-
mulée que tout son personnel l'empoigne, le
tue à moitié, puis se dirige vers le plus pro-
chain magistrat indigène. Arrivés au Kutcheri
(maison de ville), les ouvriers déclarent que
le propriétaire a refusé de leur payer leurs
salaires et que, lui ayant adressé des repro-
ches, il les a battus tous. Le Sahib accepte
généralement cette histoire plausible, mais
si, cependant, le propriétaire ne s'en contente
pas et exige que les ouvriers soient reconnus
coupables, ces derniers sont plutôt heureux
qu'autrement, car ilsconsidèrent qu'être logés
et nourris pendant quelques mois par le gou-
vernement, à rien faire, est une belle perspec-
tive.
Voilà un spécimen de leur état mental.
Ce même jeu de scène se reproduit si le
propriétaire a l'entêtement de vouloir, mal-
gré eux, monter une'installation comportant
Vase
des machines nouvelles. Il n'y a que quelques
outils que les ouvriers indiens consentent à
prendre ; encore les « perdent-ils » bien sou-
vent dans le bar proche, le prix d'achat
donné par le débitant étant pour un levier
ou une barre à mine : une bouteille du meil-
leur marché et plus mortel brandy ou
whisky.
* *
La négligence, l'inattention et le laisser-
aller des carriers indiens est proverbiale
dans ce milieu. Ils donnent rarement le