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Galerie Flechtheim [Contr.]
Der Querschnitt — 1.1921

DOI issue:
Heft 1
DOI article:
Friedländer, Max J.: Über das Kunstsammeln
DOI issue:
Heft 2/3
DOI article:
Guillaume, Paul: Modigliani
DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.62259#0141

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Parce qu’il etait tres pauvre et qu’il s’ernpressait de s’enivrer chaque
fois qu’il le pouvait, on le meprisa longtemps, meme dans le inilieu
des artistes oü certaines formes de prejuges sont plus ancrees qu’on
ne le croit generalement. Amedeo Modigliani naquit ä Livourne; il
etait juif et tenait meme ä ce que l’on considerät comme semitique
son oeuvre d’artiste. II etait timide, distingue, grand seigneur, mais
ses habits n’inspiraient point confiance et si d’aventure quelqu’un lui
faisait l’aumöne, ce n’etait pas sans le tarabuster quelque peu. Car
ceci se passait encore il y a six ans. On me discutera faiblement
j’espere, si je dis qu’ä partir du moment oü je le conntis cette triste
Situation cessa. Non point que j’aie seul contribue au confort qu’il
connüt des lors, les suiveurs sont nombreux quand il ne s’agit plus
de risquer le premier pas, devant l’ironie generale!
Modigliani, que le public anglais, empresse comme de coutume,
lorsqu’il a pris une attitude, celebre maintenant ä l’egal d’un maitre
en multipliant les comparaisons les plus flatteuses, les plus extremes,
en martelant son enthousiasme ä coups de cheques, ä l’epoque dont
je parle, avait la plus grande peine ä vendre ses dessins cinquante
Centimes ou un franc. 11 reussissait plutöt ä les echanger contre des
aperitifs dont la frequence ruinait sa sante, ce dnnt nul ne se
souciait d’ailleurs.
Il etait assez singulierement le protege d’une poetesse de
merite, Beatrice Hastings, qui avait efe ecuyere de cirque au
Transvaal et ä qui il reste redevable de moments echeveles, voire
dramatiques. Il a laisse d’elle de nombreux portraits qu’il faudra
connaitre lorsqu’on ecrira l’histoire de cette vie oü la passion a joue
un si grand role. C’est en 1915 qu’il quitta Montparnasse pour venir
s’installer dans un atelier que je lui louai au 13 de la rue de Ravignan,
dans cette historique batisse de bois qui connut les heures difficul-
tueuses et epiques de Picasso, de Max Jacob, du douanier Rousseau
et de tant de peintres plus ou moins celebres aujourd’hui.
Des lors il delaissa la sculpture, rarefia ses dessins et se mit
ä peindre, ä peindre comme il vivait, en sentimental, en violent, en
inegal, en gaspilleur, et c’est ä dessein que j’emploie ce dernier mot
subtilement caracteristique de l’existence extraordinaire de Modigliani.
Dans son accoutrement loqueteux, il avait une elegance indubitable,
un chic, une gentilhommerie ä la milord l’Arsouille qui surprenaient
et effrayaient parfois. Il fallait l’entendre declamer pompeusement
des vers du Dante devant la Rotonde, apres la fermeture des
brasseries, n’< ntcndant pas les investives des garcons, ne sentant
pas la pluie qui lui mouillait les os. Car ce peintre etait poete.
Il aimait et jugeait la poesie, non point ä la maniere froide et
incomplete d’un agrege de faculte, mais avec son äme mysterieusement
douee pour les choses sensibles et aventureuses. Au demeurant, sa
nature etait savoureusement biblique. Je me souviens de m’etre
presente ä son atelier un matin qu’il dormait encore; je dus le
reveiller. Il m’expliqua qu’il avait passe la soiree et une parti de la
nuit en turbulente compagnie et me pria de m’asseoir, s’excusant de
ne pouvoir me parier sans avoir prealablement fait sa toilette. Je
m’inclinai. Modigliani s’empara alors d’un broc de zinc, dont l’anse

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