Sortie de l’école turque.
Aquarelle de Decamps. (Ancienne collection de Mme la comtesse Le Hon.)
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889
L’AQUARELLE DEPUIS UN SIÈCLE'
( S U l T E )
III
Les documents deviennent plus nombreux, plus faciles
à classer surtout.
L’époque qui suit directement la Re'volution est une
des plus pauvres en fait d’aquarelles. Les classiques, con-
duits par David, dédaignaient ce genre léger, de premier
jet, tout d’imagination. A peine retrouverait-on dans les
cartons des peintres du moment quelques notes en cou-
leurs. Mais il était encore quelques aquarellistes datant
du xvme siècle, comme Debucourt, qui poursuivaient sous
le Directoire et le Consulat leur œuvre charmante, ou
comme Isabey, qui, bien jeune à la Révolution, avait déjà
attiré l’attention du public connaisseur aux expositions
de 1793, 1795 et 1796, par des miniatures et plus encore
peut-être par des dessins d’une originalité et d’une puis-
sance extrêmes. Isabey, dont la faveur officielle fut très
grande et très constante sous le Consulat et le premier
Empire, parvint à une réputation qui lui assurait les com-
mandes les plus nombreuses de toutes les parties de
l’Europe. C’était une faveur que d’obtenir son portrait de
la main de F. Isabey, et nombre de ces solliciteurs ont été
reproduits à l’aquarelle ; on a admiré cent fois cette pein-
ture si fine et si claire, cette touche transparente. Le
Louvre possède de lui : la Vue du grand escalier du
Musée sous le premier Empire, par Percier et Fontaine,
1. Voir l'Art, i5e année, tome I“r, page 289.
les deux amis du peintre dont nous avons gardé également
quelques aquarelles d’architecture d’un travail très soigné.
L’aquarelle du Louvre est datée de 1817 ; elle figura,
en effet, au Salon de cette année, et je crois inutile d’en
rappeler la description, connue de tous. Isabey avait alors
cinquante ans, et presque jusqu’à sa mort, en 185 5, c’est-
à-dire à quatre-vingt-huit ans, il continua à produire,
ayant cette douce satisfaction de voir toujours rechercher
ses œuvres, entre autres ses aquarelles, devenues plus
fortes de ton, mais toujours claires et sûres.
Durant sa longue période artistique, Isabey avait donc
vu, sans s’y prêter d’ailleurs, et, chose plus étrange, sans
qu’elle nuisît à son genre un peu classique, la transforma-
tion que l’école romantique, suivant les indications nou-
velles propagées en France par Bonington, allait apporter
dans l’aquarelle.
J’ai écrit avec intention le mot transformation, pour
répondre à ceux qui prétendent que l’aquarelle ne date,
dans notre pays, que de l’époque de la Restauration.
J’espère avoir démontré le contraire et, malgré l’autorité
de Delécluze, je crois que ce critique de grand talent exa-
gérait un peu lorsqu’il écrivait : « Il était si bien convenu
que l’aquarelle devait être incolore jusqu’à la fadeur, que
si quelque peintre téméraire s’avisait d’y ajouter des cou-
leurs gommées, et par cela même plus vives, on le traitait
comme un homme qui triche au jeu. » L’expression est
bien forte. Que dirait donc Delécluze s'il voyait à quels