Atelier de graveurs.
Gravure de Baquoy, d’après un dessin de Moreau le Jeune.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889
Cent ans de gravure (1789-1889)'
(suite)
II
Il est au moins difficile, pour ne pas dire impossible,
de mettre un ordre tant soit peu méthodique à la présen-
tation des graveurs de l’Entp're. L’éducation de chacun
d’eux remonte, naturellement, aux huit ou dix années
antérieures. D’autre part, la période précise de leur florai-
son d’ensemble est justement la date de 1804. Beaucoup
sc trouvaient donc déjà en cours de bons travaux et en
passe d’une célébrité prochaine. La publication Laurent
allait enfln paraître après des retards bien explicables, vu
la tourmente politique et les lenteurs inhérentes à si vaste
mise-en-train d’in-folios. Ce Musée français servit réelle-
ment de radeau de la Méduse à la tribu, et ils traversèrent
ainsi la tempête sans trop de famine, leurs burins tendus
vers un horizon de paix, comme l’homme au mouchoir,
de Géricault. Juste à cette époque de l’an XII, le premier
Consul accordait à l’art de la gravure l’encouragement
d’un grand prix, à l’instar de celui de la peinture et de la
sculpture. Le Directoire lui avait refusé systématiquement
cette trop légitime assimilation, sous des prétextes impos-
sibles à saisir. « Il y aura désormais, disait le rapport de
l’Institut, un concours, chaque année alternativement,
pour la gravure en taille-douce et la gravure en médailles
et pierres fines. Ceux qui remporteront le prix jouiront
pendant cinq ans de la pension du gouvernement à l’Ecole
de Rome et de tous les avantages attachés aux grands prix
de peinture, de sculpture, architecture et composition
musicale. Le premier concours pour la gravure en taille-
douce s’ouvrira lundi 3o pluviôse. Ceux qui voudront
concourir se feront inscrire jusqu’au lundi 3o pluviôse,
chez le surveillant de l’École des Beaux-Arts. Ce même
jour, les concurrens se rendront à 8 heures du matin dans
1. Voir VArt, 1 5° année, tome I", page 269.
l’Ecole pour dessiner, d’après une statue antique, la pre-
mière figure du concours d’essai. Le 7 ventôse, ils dessi-
neront dans la salle du modèle, d’après nature, une seconde
figure d’essai. Le i3 ventôse, la classe des Beaux-Arts se
réunira dans la salle d’exposition pour juger ces deux con-
cours d’essai et déterminer ceux des élèves qui continue-
ront à concourir. Le ? 1 ventôse, les concurrens se rendront
dans la salle du modèle pour y dessiner, d’après nature,
une seconde figure, et, le ier germinal, ils entreront en
loges pour y graver cette seconde figure dessinée d’après
nature. Ils seront libres de craver sur un fond blanc. Il
est accordé 73 jours pour terminer le concours; en consé-
quence, les concurrens sortiront des loges le 25 prairial, an
douze. — Signé: Vincent, président de la classe des Beaux-
Arts de l’Institut national; approuvé : Chaptal, ministre
de l’intérieur. » Cette création coïncidait trop avec la mise
au jour du premier volume de l’entreprise Laurent pour ne
pas faire supposer l’influence directe de la publication sur
l’esprit du premier Consul. Il aura suffi du feuilletement
des fascicules de début; et le goût de Bonaparte, joint aux
suppliques de Bervic ou de Tardieu, défenseurs-nés de la
corporation, se sera tout de suite rendu à l’idée de cette
trop juste extension du grand prix à la gravure.
Le Musée français comprend quatre volumes, édités
de i8o3 à 1809. Bonaparte, premier Consul, en reçoit la
dédicace officielle. « Dans le cours de vos victoires, vous
avez conquis les principaux chefs-d’œuvre des beaux-arts,
et vous en avez enrichi la France. La collection des gra-
vures qui peut les faire connaître à l’Europe entière est un
hommage qui vous est dû. Nous vous l’offrons avec recon-
naissance et respect... Robillard-Peronville et Laurent. »
L’ouvrage débute par la Belle Jardinière, d’Audouin; la
Vierge à lachaise, deMuller; les Muses, de Jules Romain,
de Guérin, de Strasbourg; une étonnante pièce de Giror-
Gravure de Baquoy, d’après un dessin de Moreau le Jeune.
EXPOSITION UNIVERSELLE DE 1889
Cent ans de gravure (1789-1889)'
(suite)
II
Il est au moins difficile, pour ne pas dire impossible,
de mettre un ordre tant soit peu méthodique à la présen-
tation des graveurs de l’Entp're. L’éducation de chacun
d’eux remonte, naturellement, aux huit ou dix années
antérieures. D’autre part, la période précise de leur florai-
son d’ensemble est justement la date de 1804. Beaucoup
sc trouvaient donc déjà en cours de bons travaux et en
passe d’une célébrité prochaine. La publication Laurent
allait enfln paraître après des retards bien explicables, vu
la tourmente politique et les lenteurs inhérentes à si vaste
mise-en-train d’in-folios. Ce Musée français servit réelle-
ment de radeau de la Méduse à la tribu, et ils traversèrent
ainsi la tempête sans trop de famine, leurs burins tendus
vers un horizon de paix, comme l’homme au mouchoir,
de Géricault. Juste à cette époque de l’an XII, le premier
Consul accordait à l’art de la gravure l’encouragement
d’un grand prix, à l’instar de celui de la peinture et de la
sculpture. Le Directoire lui avait refusé systématiquement
cette trop légitime assimilation, sous des prétextes impos-
sibles à saisir. « Il y aura désormais, disait le rapport de
l’Institut, un concours, chaque année alternativement,
pour la gravure en taille-douce et la gravure en médailles
et pierres fines. Ceux qui remporteront le prix jouiront
pendant cinq ans de la pension du gouvernement à l’Ecole
de Rome et de tous les avantages attachés aux grands prix
de peinture, de sculpture, architecture et composition
musicale. Le premier concours pour la gravure en taille-
douce s’ouvrira lundi 3o pluviôse. Ceux qui voudront
concourir se feront inscrire jusqu’au lundi 3o pluviôse,
chez le surveillant de l’École des Beaux-Arts. Ce même
jour, les concurrens se rendront à 8 heures du matin dans
1. Voir VArt, 1 5° année, tome I", page 269.
l’Ecole pour dessiner, d’après une statue antique, la pre-
mière figure du concours d’essai. Le 7 ventôse, ils dessi-
neront dans la salle du modèle, d’après nature, une seconde
figure d’essai. Le i3 ventôse, la classe des Beaux-Arts se
réunira dans la salle d’exposition pour juger ces deux con-
cours d’essai et déterminer ceux des élèves qui continue-
ront à concourir. Le ? 1 ventôse, les concurrens se rendront
dans la salle du modèle pour y dessiner, d’après nature,
une seconde figure, et, le ier germinal, ils entreront en
loges pour y graver cette seconde figure dessinée d’après
nature. Ils seront libres de craver sur un fond blanc. Il
est accordé 73 jours pour terminer le concours; en consé-
quence, les concurrens sortiront des loges le 25 prairial, an
douze. — Signé: Vincent, président de la classe des Beaux-
Arts de l’Institut national; approuvé : Chaptal, ministre
de l’intérieur. » Cette création coïncidait trop avec la mise
au jour du premier volume de l’entreprise Laurent pour ne
pas faire supposer l’influence directe de la publication sur
l’esprit du premier Consul. Il aura suffi du feuilletement
des fascicules de début; et le goût de Bonaparte, joint aux
suppliques de Bervic ou de Tardieu, défenseurs-nés de la
corporation, se sera tout de suite rendu à l’idée de cette
trop juste extension du grand prix à la gravure.
Le Musée français comprend quatre volumes, édités
de i8o3 à 1809. Bonaparte, premier Consul, en reçoit la
dédicace officielle. « Dans le cours de vos victoires, vous
avez conquis les principaux chefs-d’œuvre des beaux-arts,
et vous en avez enrichi la France. La collection des gra-
vures qui peut les faire connaître à l’Europe entière est un
hommage qui vous est dû. Nous vous l’offrons avec recon-
naissance et respect... Robillard-Peronville et Laurent. »
L’ouvrage débute par la Belle Jardinière, d’Audouin; la
Vierge à lachaise, deMuller; les Muses, de Jules Romain,
de Guérin, de Strasbourg; une étonnante pièce de Giror-