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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 15.1889 (Teil 2)

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Viardot, Paul: Notes et croquis sur la musique, [3]
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https://doi.org/10.11588/diglit.25868#0071

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Le Paradis au Concert Colonne.
Dessin de Mantelet-Goguet.

NOTES ET CROQUIS SUR LA MUSIQUE

(suite)

VII

L’amateur de musique qui se rend le dimanche au
théâtre du Châtelet, pour
assister aux concerts diri-
gés par Edouard Colonne,
est forcé de reconnaître,
comme moi, l’absence de
salle de concert véritable
et placée dans un quartier
commode, absence contre
laquelle j’ai protesté déjà
en commençant ces notes.

II faut un courage réel
pour celui qui, venant du
boulevard par exemple,
est obligé de supporter
l’éternelle cohue de la rue
Montmartre, de se faufiler
à travers la foule compacte
des badauds, d’éviter les
omnibus et les éclabous-
sements des fiacres. Une
fois parvenu aux Halles,
il doit se frayer un passage
dans une foule en blouse,
il se heurte contre des
paniers d’épluchures et
risque de tomber en mar-
chant sur un trognon de
chou, ses pieds pataugent
dans la boue, et son odorat
est affecté par l’atmos-
phère saturée d’émanations peu agréables, surtout quand
on vient de déjeuner. Devant le théâtre, rien n’indique au

i. Voir l’Art, i5* année, tome Ie1', pages i5o et 171.

non initié qu’il se trouve devant un temple du grand art.
De vastes affiches criardes, d’immenses cadres vitrés
contenant des photographies de dames court vêtues, voilà

ce qui frappe ses yeux tout
d'abord. Il est assailli par
des marchands de billets
qui lui proposent de le
placer pour la représenta-
tion du soir. Ce n’est qu’en
approchant davantage, et
en lisant de modestes affi-
ches, qu’il constate que le
monde qui s’engouffre
dans la salle du spectacle
ne vient pas pour contem-
pler des maillots roses
éclairés par la lumière
électrique, mais qu’il vient
dans un but plus élevé,
celui de jouir des sensa-
tions données par un art
avec lequel les paillettes
et les flammes de Bengale
n’ont rien de commun.

Si l’amateur de musi-
que est arrivé en avance,
il aura le temps de con-
templer une vaste scène
vide, au sommet de la-
quelle figure l’inévitable
bateau, emblème de la ville
de Paris, mais qui, placé
dans un lieu destiné à la
musique, pourrait être interprété d’une autre façon. Ne
représente-t-il pas la vie même des musiciens, toujours
ballottés, toujours en mouvement, élevés par le succès au

M. Colonne.
Dessin de Mantelet-Goguet.
 
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