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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 15.1889 (Teil 2)

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Chennevières, Henry de: Exposition universelle de 1889: cent ans de gravure (1789 - 1889), II
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Leroi, Paul: Maurice Sand
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https://doi.org/10.11588/diglit.25868#0138

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I 20

L’ART.

cault, Devéria, Boningtori, Langlois, Daguerre, J. Alaux,
Bergeret, Mauzaisse, Atthalin, Wattelet. La popularité ou
la spécialité de ce groupe de la première heure n’était pas
pour nuire au succès de propagande de l’entreprise. Un
joli talent de dessin mettait, au reste, le baron Taylor à
même de conduire, d'une manière directe, cette commu-
nauté de travaux. Et puis, surtout, son entrain d’adminis-

tration n’avait pas de pareil pour la concentration des
forces vives et la poussée régulière des œuvres d’ensemble.

La lithographie mérite bien, au reste, un plein chapitre
dans cette révision sommaire, car elle donna lieu aux plus
originales et inattendues créations de maîtres.

Henry de Chexnevières.

(La suite prochainement.)

MAURICE SAND

Né à Paris le 3o juin 182a, Maurice Sand, de son vrai
nom le baron Maurice Dudevant, vient de mourir à
Nohant, dans la demeure chère à son illustre mère.

C’est un galant homme qui disparaît sans bruit, ainsi
qu’il vécut. Il se savait d’arrière-plan et avait la modestie
d’éviter tout ce qui pouvait paraître l’arracher à l’ombre
dans laquelle il se complaisait. C’est ainsi que lorsqu’un
de ses amis, M. Adolphe Badin, donna à l’Art les spiri-
tuels et très intéressants articles sur les Marionnettes de
Maurice SandL Maurice Sand
s’opposa à la publication de son
portrait, que nous avions fait des-
siner et qu’à notre grand regret
nous ne faisons paraître qu’après
décès.

C’est par sa mère que Maurice
Sand était à bon droit certain de
se survivre. Il n’ignorait pas qu’on
ne se souviendrait point qu’il fut
élève d’Eugène Delacroix, un peu
peintre, un peu plus dessinateur,
voyageur intrépide, — son voyage
de 1866, il le raconta lui-même et
l’intitula : Six mille lieues à toute
vapeur, — minéralogiste passionné,
naturaliste distingué, — sa collec-
tion de papillons est de premier
ordre, — maire de Nohant-Vic,
lieutenant de sapeurs-pompiers, —
blessé à la tète dans un incendie, il
fut décoré de la médaille militaire,

— romancier à ses heures, auteur
de Masques et Bouffons, ■—ouvrage
qui le fit- nommer chevalier de la
Légion d’honneur, — créateur des
Pupa^fi, qu’il dessinait et sculptait
lui-même pour le théâtre de Nohant,
dont il brossait agréablement les
décors, etc., etc. ; mais il avait, à
bon droit, la certitude qu’on se
rappellerait toujours le fils de la
noble femme, qui lui écrivait, alors qu’il était au Lycée
Henri IV :

Paris, 18 juin i833.

Travaille, sois fort, sois fer, sois indépendant, méprise
les petites vexations attribuées à ton dge. Réserve ta force
de résistance pour des actes et contre des faits qui en
vaudront la peine. Ces temps viendront. Si je n’y suis
plus, pense à moi qui ai souffert et travaillé gaiement.
Nous nous ressemblons d’âme et de visage. Je sais dès
aujourd’hui quelle sera ta vie intellectuelle. Je crains pour
toi bien des douleurs profondes, j'espère pour toi des joies
bien pures. Garde en toi le trésor de la bonté. Sache don-
ner sans hésitation, perdre sans regret, acquérir sans
lâcheté. Sache mettre dans ton cœur le bonheur de ceux

1. Voir l'Art, 11* année, tome îer, pages 104 et 126.

Maurice Sand.
Dessin de Mars.

que tu aimes à la place de celui qui te manquera. Garde
l’espérance d’une autre vie, c'est là que les mères retrouvent
leur fils. Aime toutes les créatures de Dieu, pardonne à
celles qui sont disgraciées, résiste à celles qui sont
indignes, dévoue-toi à celles qui sont grandes par la vertu.

Aime-moi ! je t’apprendrai bien des choses si nous vivons
ensemble. Si nous ne sommes pas appelés à ce bonheur (le
plus grand qui puisse m’arriver, le seul qui me fasse dési-
rer une longue vie), tu prieras Dieu pour moi, et, du sein
de la mort, s’il reste dans l’univers
quelque chose de moi, l’ombre de
ta mère veillera sur toi.

Ton amie,

George.

II est de mode aujourd'hui,
parmi les bons jeunes gens impuis-
sants de cette fin de siècle, de mé-
dire et de George Sand et de tous
les lettrés, ses contemporains. Je
suis le premier à reconnaître qu’à
l'exemple du reste de tous leurs
devanciers, ils ont eu les défauts
de leur temps, mais ils ne passèrent
leur existence ni à afficher le plus
sceptique farniente, faute de rien
savoir créer, ni à encambronner la
langue française parce qu’il est plus
aisé d’imprimer des ordures que
d’avoir du talent.

Tous furent constamment gens
d’action et d’ardent labeur, tous
produisirent des œuvres, parmi les-
quelles plus d’une tombera dans
l’oubli, mais parmi lesquelles aussi
il en est plus d’une destinée à l’im-
mortalité.

Ils eurent la foi, ils eurent la
flamme, ils eurent de nobles visées.
Aussi tout esprit impartial sera-t-il
indulgent à leurs erreurs et leur en
pardonnera-t-il plus d’une, tandis
qu’il 11’est pas une âme haut placée qui s’inquiète jamais
de la génération présente de décadents ineptes ou d’indif-
férents énervés, affaissés intellectuellement avant l’âge,
qui se réclament cependant — Risum teneatis, amici! —
de Voltaire et du xvmc siècle, c’est-à-dire de l’homme-
action et du siècle-action par excellence !

C’est pourquoi, en reproduisant une lettre qui dit élo-
quemment ce que valait l’auteur de VHistoire de ma vie,
un livre qui n’est pas près de mourir, j’ai voulu rendre un
pieux hommage à l’illustre femme de lettres, dont la vie
fut un constant combat, mais ne connut jamais le décou-
ragement et encore moins l’affadissement.

Maurice Sand trouverait qu’on ne peut mieux l’honorer
lui-même qu’en honorant ainsi sa mère, une des vraies
gloires de la patrie. Paul Leroi.
 
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