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L' art: revue hebdomadaire illustrée — 15.1889 (Teil 2)

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Michel, Émile: Le Japon à l'exposition universelle
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https://doi.org/10.11588/diglit.25868#0247

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2l8

L’ART.

l’Occident, et qu’en feuilletant les essais de teinture exé-
cutés par des élèves de l’École des Arts et Métiers de
Tokio, mes yeux ont été offensés par la crudité des colo-
rations que la chimie moderne met à leur disposition :
méthiline, aniline, alizarine et toutes ces nuances auda-
cieuses que, dans leur empressement de jouir de ces con-
quêtes, ces jeunes gens ont indiscrètement rapprochées
les unes des autres avec l’ardeur de néophytes. Près de
là, et mêlés à quelques-uns de leurs meilleurs ouvrages,
plusieurs exposants ont aussi laissé se glisser certains tis-
sus, certaines porcelaines dont les dessins et les associa-
tions de tons fades ou criards semblent des copies trop
fidèles des produits manufacturés de nos voisins.

Qu’on se rassure pourtant, ces influences européennes,
les unes salutaires, les autres d’un profit douteux, ne
tiennent en somme qu’une place très minime dans cette
Exposition. Les Japonais sont bien intelligents, bien

Empire du Japon. — Étoffe a décor d’éventails,
achetée par la Chambre de Commerce de Lyon.

(Exposition Universelle de 1889.) ~ Dessin de Lucien Laurent-Gsell.

avisés, et je suis persuadé, pour mon compte, que la plu-
part de ces objets, fabriqués en vue de l’exportation, sont
jugés par eux pour ce qu’ils valent et que, sans se faire
illusion sur leur mérite artistique, ils ne visent qu’à satis-
faire le goût de leurs clients et à tirer le parti le plus
avantageux de ces marchandises. De fait, une grande por-
tion du public leur donne raison et les plus médiocres de
ces produits ne sont pas toujours les moins recherchés.
Quant à l’influence que pourrait avoir l’introduction de
modèles européens dans l’enseignement, il ne faudrait pas
non plus en exagérer l’importance. A côté de ces modèles
péniblement copiés, voici d’autres dessins plus nombreux,
librement tracés au pinceau par des enfants des Écoles
primaires supérieures, âgés de douze à treize ans, dessins
qui sont de tout point conformes au génie national ; nous
y rencontrons des plantes, des fleurs, des objets usuels, des
poissons, des oiseaux, de petits drames entre insectes, tous
les motifs, en un mot, qui défrayent d’ordinaire l’art japo-
nais. Enfin, en tournant quelques feuilles dans les albums
d’échantillons d’étoffes imprimées par les élèves des Arts

et Métiers, vous retrouverez la charmante fantaisie de
formes, les rapprochements heureux de couleurs et l’orne-
mentation originale auxquels ces excellents décorateurs
nous ont habitués.

En matière d’art, on peut y compter, les Japonais sont
suffisamment protégés contre les progrès des doctrines
occidentales par leurs propres aptitudes, par les traditions
de leur passé, par leur intérêt même, et j’ajouterai par les
ressources naturelles de leur pays. La nature, à bien des
égards, les a traités en enfants gâtés, en leur fournissant
abondamment les richesses minérales et végétales les plus
précieuses : du cuivre, des soies réputées et dont on peut
voir de nombreux spécimens, des laques, des matières tex-
tiles comme le chanvre et la ramie, d’autres plantes des-
tinées à la fabrication du papier, des bois de toute sorte
et le bambou enfin, la plante japonaise par excellence, qui
joue un si grand rôle dans l’industrie et qui à elle seule a
fait au Champ de Mars presque tous les frais d installa-
tion de cette section. Vivant au milieu de cette nature
opulente et dont ils savent si bien jouir, les artistes japo-
nais ne s’inspirent que d’elle seule et la variété intarissable
des motifs qu’ils y découvrent atteste l’amour profond
qu’ils ont pour elle.

A côté de tant d’avantages si libéralement dispensés,
les grandes perturbations atmosphériques, les typhons, les
cyclones assez fréquents en ces parages et surtout les
tremblements de terre qui sèment de ruines toute la
contrée, forment la seule ombre de ce tableau enchanteur
et rappellent trop souvent aux habitants de ce pays privi-
légié que le paradis n’existe pas ici-bas. A l’Exposition
même nous trouvons la trace d’une des plus récentes de
ces terribles commotions, celle du i5 janvier 1887, dans
un modèle représentatif figurant la marche du chemin
parcouru par un point du sol pendant les soixante-douze
secondes, un siècle ! qu’ont duré les oscillations. C’est
sans doute à un ennemi si redoutable qu’il convient d’at-
tribuer l’absence d’une architecture propre au Japon. On
y rencontre bien, il est vrai, — et le ministère de l’Instruc-
tion publique de Tokio a pris soin de réunir les photo-
graphies de quelques-uns de ces monuments les plus
anciens, — des temples, des pagodes, des tours, générale-
ment bâtis en bois, avec leurs toits superposés et largement
évasés, leurs galeries de bambou, leurs parois sculptées
ou revêtues de laques ; mais ces constructions d’une sim-
plicité assez élémentaire et qui dérivent de l’art de la
Chine n’offrent ni la grandeur, ni la variété qu’elles ont
en ce pays, et ne sauraient à plus forte raison soutenir la
comparaison avec les édifices imposants que possèdent
l’Inde anglaise ou le Cambodge. Quant aux palais ou aux
habitations privées dont, par suite de l’inconsistance du
sol, on a dû bannir la pierre et les matériaux les plus
solides, ce ne sont à proprement parler que des boîtes
juxtaposées, dont les compartiments légers se prêtent avec
plus d’élasticité aux mouvement de ce sol incertain et qui.
en tout cas, n’accableraient pas les habitants sous le poids
de leur chute. Si leurs assemblages bien ajustés font hon-
neur à l’habileté des charpentiers et si ces intérieurs très
ingénieusement disposés sont appropriés aux conditions
spéciales de la vie locale, tout cela en somme ne relève
pas de l’art et la modeste devise : Je plie et ne romps pas,
semble suffire à caractériser le programme qui s’impose à
l’architecture du Nipon.

Les Japonais, en revanche, ont-ils une sculpture digne
de ce nom? Il serait difficile de le prétendre puisque la
statuaire n’existe pas chez eux. Un artiste de mes amis, qui
pendant plusieurs années a séjourné au Japon, me vante à
ce propos l’effet que produisent, perdues dans les bois et
émergeant de la verdure, ces gigantesques images de
 
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