VOYAGE EN ESPAGNE.
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première; on y récolte du vin assez bon et beaucoup de garance, sur-
tout dans les territoires de Burgos, Valladolid, Ségovie, Cuellar et
Portillo; mais on n'y voit presque point d'arbres, parce que les cam-
pagnards, persuadés qu'ils attirent les insectes et les oiseaux nuisibles
à l'agriculture, les ont presque tous coupés.
La branche commerciale la plus lucrative en Castille, c'est la laine;
il s'en fait une vente très-considérable à Cuença, Ségovie, Sigüenza,
Soria, anciens chefs-lieux des corporations nombreuses qui, sous le
nom de Mesta, jouissent, depuis un temps immémorial, du privilège
de traverser avec leurs troupeaux les provinces centrales du royaume.
Pour la conservation et le gouvernement de la Mesta, il existe un
code particulier dont l'objet est de leur assigner 1° des ravines sur les
limites des villes et villages que les troupeaux doivent traverser; 2° la
possession des pâturages de l'Estramaclure et de la contrée désignée
sous Je nom de la montagne; 3° de régler les différends qui peuvent
s'élever entre les confrères de la Mesta.
Autrefois, ces honorables bergers pouvaient conserver perpétuelle-
ment les pâturages affermés, sans que le propriétaire pût en disposer,
ni pour autrui, ni pour lui-même, tant qu'ils étaient exacts à payer le
prix convenu, ce qui avait toujours lieu. Ils possédaient de la sorte des
pâturages affermés depuis plus de deux siècles, dont la valeur s'accrois-
sait chaque jour. Heureusement, déjà bien avant la fin du dernier
siècle, les propriétaires des pâturages étaient rentrés dans le droit de
les affermer au plus offrant.
En Espagne, nous regardons l'énorme quantité de moutons qu'on y
fait voyager comme un des plus grands obstacles aux progrès de l'a¬
griculture. Dans toutes les terres qu'ils doivent traverser, il n'est
permis à aucun particulier de clore son domaine; or chacun sait que la
liberté de clôture est devenue, pour l'Angleterre, une des causes prin-
cipales de sa richesse agricole.
De la cime des montagnes de Castille, de Léon et d'Estramadure, on
voit des troupeaux errants, voyager par divisions de douze cents brebis
que conduisent cinq bergers. Leur départ a lieu vers la fin de sep-
tembre; ils font en quarante jours à peu près cent cinquante lieues, et
ne quittent le pacage qu'au mois d'avril pour regagner la montagne.
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première; on y récolte du vin assez bon et beaucoup de garance, sur-
tout dans les territoires de Burgos, Valladolid, Ségovie, Cuellar et
Portillo; mais on n'y voit presque point d'arbres, parce que les cam-
pagnards, persuadés qu'ils attirent les insectes et les oiseaux nuisibles
à l'agriculture, les ont presque tous coupés.
La branche commerciale la plus lucrative en Castille, c'est la laine;
il s'en fait une vente très-considérable à Cuença, Ségovie, Sigüenza,
Soria, anciens chefs-lieux des corporations nombreuses qui, sous le
nom de Mesta, jouissent, depuis un temps immémorial, du privilège
de traverser avec leurs troupeaux les provinces centrales du royaume.
Pour la conservation et le gouvernement de la Mesta, il existe un
code particulier dont l'objet est de leur assigner 1° des ravines sur les
limites des villes et villages que les troupeaux doivent traverser; 2° la
possession des pâturages de l'Estramaclure et de la contrée désignée
sous Je nom de la montagne; 3° de régler les différends qui peuvent
s'élever entre les confrères de la Mesta.
Autrefois, ces honorables bergers pouvaient conserver perpétuelle-
ment les pâturages affermés, sans que le propriétaire pût en disposer,
ni pour autrui, ni pour lui-même, tant qu'ils étaient exacts à payer le
prix convenu, ce qui avait toujours lieu. Ils possédaient de la sorte des
pâturages affermés depuis plus de deux siècles, dont la valeur s'accrois-
sait chaque jour. Heureusement, déjà bien avant la fin du dernier
siècle, les propriétaires des pâturages étaient rentrés dans le droit de
les affermer au plus offrant.
En Espagne, nous regardons l'énorme quantité de moutons qu'on y
fait voyager comme un des plus grands obstacles aux progrès de l'a¬
griculture. Dans toutes les terres qu'ils doivent traverser, il n'est
permis à aucun particulier de clore son domaine; or chacun sait que la
liberté de clôture est devenue, pour l'Angleterre, une des causes prin-
cipales de sa richesse agricole.
De la cime des montagnes de Castille, de Léon et d'Estramadure, on
voit des troupeaux errants, voyager par divisions de douze cents brebis
que conduisent cinq bergers. Leur départ a lieu vers la fin de sep-
tembre; ils font en quarante jours à peu près cent cinquante lieues, et
ne quittent le pacage qu'au mois d'avril pour regagner la montagne.