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VOYAGE EN ESPAGNE.
Peu après leur arrivée au quartier d'hiver, les brebis mettent bas. On
place alors les brebis stériles dans les pâturages les moins gras, tandis
qu'on fait passer en des pâturages d'élite les brebis devenues mères et
nourrices.
Au mois de mars, les bergers ont quatre opérations à faire sur les
agneaux nés dans l'hiver précédent : 1° ils leur coupent la queue à trois
pouces de sa racine ; 2° ils les marquent sur le museau avec un fer chaud;
3° ils leur scient les cornes pour que dans leurs querelles ils ne se nuisent
pas; 4° ils châtrent les sujets destinés à servir de guides ou de senti-
nelles.
En avril, les brebis ont le sentiment d'une nourriture préférable à la
nourriture d'hiver qu'elles reçoivent; elles montrent de l'impatience,
de l'agitation ; elles s'échappent volontiers du bercail. Ils faut alors ne
pas trop différer leur départ et les conduire où d'habitude elles passent
la saison des chaleurs.
Presque toujours la tonte commence le 1er mai si le temps est
beau; mais, s'il est humide, on la diffère de quelques jours. Quand les
brebis sont tondues, on les enferme dans de vastes écuries bâties ex-
près, capables de contenir vingt mille têtes de bétail, parce que ces ani-
maux sont si délicats que le moindre refroidissement les ferait périr.
Pour tondre mille bêtes on emploie cent vingt-cinq hommes; chacun
d'eux tond généralement par jour huit brebis ou cinq moutons. Avant
de commencer la tonte, ces animaux demeurent quelque temps en-
fermés dans un petit espace, afin qu'ils transpirent et que leur laine soit
plus souple, plus accessible au ciseau.
De cette laine, dont la couleur est brun foncé, il se fabrique un drap
grossier avec lequel s'habillent les campagnards ou les citadins pau-
vres. La teinte sévère, la forme lourde du vêtement, l'amplitude du
chapeau, joints à la démarche grave, à la physionomie sans expression
des habitants de la Vieille-Castille, forment entre eux et les Basques
un contraste palpable. On appelle les vieux Castillans les bonnes gens
de l'Espagne, et ils le méritent, car ils sont pleins de franchise et
de loyauté. Ne voyageant pas, ne pouvant se comparer à personne,
leur vanité, devenue proverbiale, tient moins encore au respect
qu'ils ont d'eux-mêmes qu'à l'ignorance des qualités de leurs voisins.
VOYAGE EN ESPAGNE.
Peu après leur arrivée au quartier d'hiver, les brebis mettent bas. On
place alors les brebis stériles dans les pâturages les moins gras, tandis
qu'on fait passer en des pâturages d'élite les brebis devenues mères et
nourrices.
Au mois de mars, les bergers ont quatre opérations à faire sur les
agneaux nés dans l'hiver précédent : 1° ils leur coupent la queue à trois
pouces de sa racine ; 2° ils les marquent sur le museau avec un fer chaud;
3° ils leur scient les cornes pour que dans leurs querelles ils ne se nuisent
pas; 4° ils châtrent les sujets destinés à servir de guides ou de senti-
nelles.
En avril, les brebis ont le sentiment d'une nourriture préférable à la
nourriture d'hiver qu'elles reçoivent; elles montrent de l'impatience,
de l'agitation ; elles s'échappent volontiers du bercail. Ils faut alors ne
pas trop différer leur départ et les conduire où d'habitude elles passent
la saison des chaleurs.
Presque toujours la tonte commence le 1er mai si le temps est
beau; mais, s'il est humide, on la diffère de quelques jours. Quand les
brebis sont tondues, on les enferme dans de vastes écuries bâties ex-
près, capables de contenir vingt mille têtes de bétail, parce que ces ani-
maux sont si délicats que le moindre refroidissement les ferait périr.
Pour tondre mille bêtes on emploie cent vingt-cinq hommes; chacun
d'eux tond généralement par jour huit brebis ou cinq moutons. Avant
de commencer la tonte, ces animaux demeurent quelque temps en-
fermés dans un petit espace, afin qu'ils transpirent et que leur laine soit
plus souple, plus accessible au ciseau.
De cette laine, dont la couleur est brun foncé, il se fabrique un drap
grossier avec lequel s'habillent les campagnards ou les citadins pau-
vres. La teinte sévère, la forme lourde du vêtement, l'amplitude du
chapeau, joints à la démarche grave, à la physionomie sans expression
des habitants de la Vieille-Castille, forment entre eux et les Basques
un contraste palpable. On appelle les vieux Castillans les bonnes gens
de l'Espagne, et ils le méritent, car ils sont pleins de franchise et
de loyauté. Ne voyageant pas, ne pouvant se comparer à personne,
leur vanité, devenue proverbiale, tient moins encore au respect
qu'ils ont d'eux-mêmes qu'à l'ignorance des qualités de leurs voisins.