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VOYAGE EN ESPAGNE.
dis-lui que cent mille musulmans ne sont que cent mille hommes mortels;
tandis que la poignée de chrétiens qui marchent sous mes ordres, fidèles
à leur Dieu, à leur pays, sont le bras du Dieu même des armées, car tous,
ainsi que moi, se trouvent prêts à mourir pour la gloire et l'indépendance
de leur patrie.
« Cette confiance du chef des chrétiens en la puissance du Seigneur
fut miraculeusement justifiée. Le traître Oppas ayant appelé les Maures
au combat, ils s'avancèrent avec une fureur sans égale, mais leurs flèches
rebondirent sur les rochers, et retombèrent sur eux avec les projectiles
que lançaient les Goths du haut de la montagne. On eût dit que des
masses de pierres et des forêts roulaient d'elles-mêmes pour écraser les
ennemis du nom chrétien. Épouvantés, les soldats d'Alkama s'enfui-
rent; mais l'étroitesse de la vallée empêcha leurs mouvements devenus
trop rapides; une déroute générale s'en suivit, les fuyards s'entre-cho-
quèrent les uns contre les autres, et les chrétiens, encouragés par cette
protection visible du ciel, fondant sur leurs ennemis, en firent un car-
nage horrible. Sorti de la caverne à la tête des siens, Pélage gagna le
sommet de la montagne pour fondre de là sur l'ennemi. Le nombre des
morts fut innombrable. Alkama périt, l'infâme Oppas tomba vivant
entre les mains des vainqueurs, qui s'arrêtèrent las de combattre et d'im-
moler leurs victimes. Il s'en échappait quelques-unes vers la plaine
de Libana; mais au moment de franchir l'étroit sentier qu'elles sui-
vaient, un énorme rocher se détache et les écrase. Une maison qui s'éle-
vait à proximité fut appelée dès lors Casa Gaudia. » Récit légendaire.
Telle a été l'issue de la sanglante bataille de Covadonga. Quel-
ques imaginations romanesques, quelques hyperboles orientales, quel-
ques gasconnades enfantines n'altèrent pas le fond des faits. Que nous
importe que cent mille ou seulement vingt mille Maures aient com-
battu; que Pélage ait vaincu avec trente hommes d'armes ou avec
cinq cents; ce qu'il importe c'est qu'il ait vaincu et sauvé le nom
chrétien des chaînes de l'esclavage. Chaque jour, depuis mille ans, on
découvre aux environs de cette Cova des débris d'armure musulmane
et des cadavres.
Munuza se trouvait à Gijon lorsqu'il apprit la déroute des Maures.
Ne se croyant plus en sûreté, il prit la fuite; mais Pélage victorieux le
VOYAGE EN ESPAGNE.
dis-lui que cent mille musulmans ne sont que cent mille hommes mortels;
tandis que la poignée de chrétiens qui marchent sous mes ordres, fidèles
à leur Dieu, à leur pays, sont le bras du Dieu même des armées, car tous,
ainsi que moi, se trouvent prêts à mourir pour la gloire et l'indépendance
de leur patrie.
« Cette confiance du chef des chrétiens en la puissance du Seigneur
fut miraculeusement justifiée. Le traître Oppas ayant appelé les Maures
au combat, ils s'avancèrent avec une fureur sans égale, mais leurs flèches
rebondirent sur les rochers, et retombèrent sur eux avec les projectiles
que lançaient les Goths du haut de la montagne. On eût dit que des
masses de pierres et des forêts roulaient d'elles-mêmes pour écraser les
ennemis du nom chrétien. Épouvantés, les soldats d'Alkama s'enfui-
rent; mais l'étroitesse de la vallée empêcha leurs mouvements devenus
trop rapides; une déroute générale s'en suivit, les fuyards s'entre-cho-
quèrent les uns contre les autres, et les chrétiens, encouragés par cette
protection visible du ciel, fondant sur leurs ennemis, en firent un car-
nage horrible. Sorti de la caverne à la tête des siens, Pélage gagna le
sommet de la montagne pour fondre de là sur l'ennemi. Le nombre des
morts fut innombrable. Alkama périt, l'infâme Oppas tomba vivant
entre les mains des vainqueurs, qui s'arrêtèrent las de combattre et d'im-
moler leurs victimes. Il s'en échappait quelques-unes vers la plaine
de Libana; mais au moment de franchir l'étroit sentier qu'elles sui-
vaient, un énorme rocher se détache et les écrase. Une maison qui s'éle-
vait à proximité fut appelée dès lors Casa Gaudia. » Récit légendaire.
Telle a été l'issue de la sanglante bataille de Covadonga. Quel-
ques imaginations romanesques, quelques hyperboles orientales, quel-
ques gasconnades enfantines n'altèrent pas le fond des faits. Que nous
importe que cent mille ou seulement vingt mille Maures aient com-
battu; que Pélage ait vaincu avec trente hommes d'armes ou avec
cinq cents; ce qu'il importe c'est qu'il ait vaincu et sauvé le nom
chrétien des chaînes de l'esclavage. Chaque jour, depuis mille ans, on
découvre aux environs de cette Cova des débris d'armure musulmane
et des cadavres.
Munuza se trouvait à Gijon lorsqu'il apprit la déroute des Maures.
Ne se croyant plus en sûreté, il prit la fuite; mais Pélage victorieux le