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VOYAGE EN ESPAGNE.
d'un Anglais passablement excentrique, venu du fond des grandes Indes
pour étudier les Gitanos de l'Andalousie. Le hasard nous servit bien.
A peine arrivions-nous à la Fuente de la Teja, que j'entendis trente
voix au moins crier d'un timbre très-rauque :
Os Gallegus en Galicïa,
Guando van a cunfesa,
Levan a barriga plena
De mendruguihus de pan.
Him!... him!... him!... him!
« Les Galiciens, en Galice, lorsqu'ils vont à confesse, ont tous la be-
daine remplie de petits croûtons de pain.»
Ce quatrain fut suivi d'éclats de rire et de l'exclamation asturienne
vira Pilona ! après laquelle d'autres voix chantèrent le quatrain suivant :
Os lacayus, os lacayus !
Cuandu van en procision
Levan un gatu pur santu
E una vieilla pur pendu.
Him!... him!... him!... him!...
« Les laquais, les laquais (Asturiens), lorsqu'ils vont à la procession,
portent un chat en guise de saint et une vielle en guise de bannière. »
« Vira Pravia ! Vira Pravia!» répondirent les Galiciens courroucés.
«Acd os forcejudos, ici les forts, crièrent-ils tout d'une voix.— « Vengan,
d mi os valientes! » répliquèrent les Asturiens; et la lutte dura jusqu'à
ce que la goualdia cevil fût venue y mettre bon ordre.
Ces vaillants champions, je viens les étudier chez eux; sorti des
Asturies, j'entre en Galice, appelée si justement l'Auvergne des Espagnes,
et je me trouve au milieu d'une population rude, agile, vigoureuse,
grossière, douée d'une portée d'esprit médiocre, d'une expression de
physionomie commune, vieillissant avant l'âge et dont la pauvreté con-
traste avec les magnificences de la nature. Comme en Auvergne et en
Savoie , les Galiciens , dénués de ressources , sont obligés d'exiler leurs
enfants. Dès que ces derniers ont atteint leur dixième année , ils leur
donnent une musette, zampona, un morceau de pain noir, une paire de
sabots qu'ils leur recommandent de ne porter qu'en ville, afin de les
VOYAGE EN ESPAGNE.
d'un Anglais passablement excentrique, venu du fond des grandes Indes
pour étudier les Gitanos de l'Andalousie. Le hasard nous servit bien.
A peine arrivions-nous à la Fuente de la Teja, que j'entendis trente
voix au moins crier d'un timbre très-rauque :
Os Gallegus en Galicïa,
Guando van a cunfesa,
Levan a barriga plena
De mendruguihus de pan.
Him!... him!... him!... him!
« Les Galiciens, en Galice, lorsqu'ils vont à confesse, ont tous la be-
daine remplie de petits croûtons de pain.»
Ce quatrain fut suivi d'éclats de rire et de l'exclamation asturienne
vira Pilona ! après laquelle d'autres voix chantèrent le quatrain suivant :
Os lacayus, os lacayus !
Cuandu van en procision
Levan un gatu pur santu
E una vieilla pur pendu.
Him!... him!... him!... him!...
« Les laquais, les laquais (Asturiens), lorsqu'ils vont à la procession,
portent un chat en guise de saint et une vielle en guise de bannière. »
« Vira Pravia ! Vira Pravia!» répondirent les Galiciens courroucés.
«Acd os forcejudos, ici les forts, crièrent-ils tout d'une voix.— « Vengan,
d mi os valientes! » répliquèrent les Asturiens; et la lutte dura jusqu'à
ce que la goualdia cevil fût venue y mettre bon ordre.
Ces vaillants champions, je viens les étudier chez eux; sorti des
Asturies, j'entre en Galice, appelée si justement l'Auvergne des Espagnes,
et je me trouve au milieu d'une population rude, agile, vigoureuse,
grossière, douée d'une portée d'esprit médiocre, d'une expression de
physionomie commune, vieillissant avant l'âge et dont la pauvreté con-
traste avec les magnificences de la nature. Comme en Auvergne et en
Savoie , les Galiciens , dénués de ressources , sont obligés d'exiler leurs
enfants. Dès que ces derniers ont atteint leur dixième année , ils leur
donnent une musette, zampona, un morceau de pain noir, une paire de
sabots qu'ils leur recommandent de ne porter qu'en ville, afin de les