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Bégin, Émile Auguste Nicolas Jules; Rouargue, Émile [Ill.]; Rouargue, Adolphe [Ill.]
Voyage pittoresque en Espagne et en Portugal — Paris: Belin-Leprieur et Morizot, éditeurs, 1852

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https://doi.org/10.11588/diglit.70977#0292

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VOYAGE EN ESPAGNE.

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coûte deux quartos (deux sous et demi). Cependant, un si haut prix ne
semble exorbitant à personne, car chacun se précipite autour des dis-
pensateurs patentés du précieux liquide et remercie de la main et du
chapeau l'honnête marchand, avec le témoignage de gratitude profonde
dont Balzac remerciait l'usurier qui voulait bien escompter sa signature
à soixante-quinze pour cent de remise.
Nos littérateurs français, parlant des courses de taureaux, reprochent
aux Espagnols d'avoir la soif du sang; pure calomnie; ils auraient dû
dire la soif de l'eau, car dans ces courses où pendant cinq heures douze
mille âmes se laissent griller au soleil pour suivre la gymnastique
habileté des bandrilleros et des espadas, je n'ai jamais vu, à travers les
exclamations d'enthousiasme ou les signes d'impatience, percer d'autre
sentiment qu'un sentiment d'hydrophylie , néologisme dont je demande
grâce à l'Académie française, en faveur du breuvage aimé des Espagnols.
De gradins en gradins, de tribune en tribune, circulent gravement les
porteurs d'eau tenant à la main, celui-ci une énorme alcarraza, celui-là
plusieurs verres contenant chacun environ un demi-litre clu précieux
liquide, disposés entre deux tablettes comme nos huiliers français. Divers
comestibles, diverses boissons se promènent en même temps, mais on
leur fait un froid accueil : l'eau prime tous les autres ingesta. Nul
n'oserait lutter avec elle, encore moins chercher à la déposséder du
rang d'estime qu'elle occupe.
Dans les théâtres, dans les bals, dans toutes les fêtes publiques, l'eau
se dispense avec prodigalité. L'excès de l'eau est peut-être le seul excès
que se permette la sobriété castillane. J'ai vu des jeunes filles en sueur
s'abreuver d'eau fraîche; des vieillards chercher dans un verre d'eau le
moyen de réparer leurs forces; des groupes joyeux attablés autour de
carafes d'eau comme le seraient nos habitants du Nord autour de bou-
teilles de vin. Nos médecins français en frissonneraient d'inquiétude et
verraient au fond de chaque verre d'eau surgir une pleurésie; mais
san Isidro, dont la fontaine guérit les fièvres, étend probablement sa
tutelle sur tous les hydrophyles, car les fluxions de poitrine sont beau-
coup plus rares en Espagne qu'elles ne le sont en France.
Dans les États de Sa Majesté la reine Isabelle II rien ne vous est offert
sans verre d'eau : lait chaud, café, thé, chocolat marchent escortés dece
 
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