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ARANJUEZ ET LA COUR.
regard de la vivacité, dans les traits une noblesse expressive, et, dans
l'accentuation des mots français, une manière qui présente quelque
charme. Le roi, d'une belle figure, garde soit à pied, soit à cheval, un
maintien fort convenable, sans affectation, sans hauteur mais sans fami-
liarité. Son esprit naturel est bien cultivé. Il partage les goûts de la reine
Isabelle pour les arts du dessin ; se connaît en tableaux, en sculpture , et
ne demeure point étranger au mouvement littéraire de l'Europe. On le
dit fort accessible et fort bon.
J'avais vu la cour de Ferdinand VII, mélange quelquefois bizarre
d'éléments divers fournis par les guerres civiles; je fus frappé de la
richesse et de l'élégance de la cour d'Isabelle II. Les hommes portent
généralement très-bien leur costume couvert d'or et de broderies; les
femmes, vêtues à la française, resplendissantes de diamants, laissent
tomber, de la partie postérieure de la tète, une barbe en dentelle qui
s'harmonie avec leur robe à queue. Les deux reines sont vêtues très-
simplement, en robe de barége ou de soie. La reine Isabelle affectionne
les teintes roses, qui, du reste, ne lui vont pas mal.
Avant le crime d'Atocha, rien n'était plus accessible que cette reine; elle
aimait, elle aimerait encore se mêler au milieu des groupes de sujets
fidèles qui accourent sur son passage; elle accordait, sans hésitation, des
audiences, et passait pour la plus abordable des grandes dames de la cour;
mais depuis, des raisons d'État ont fait apporter dans ces rapports de la
souveraine avec le peuple une réserve dont elle gémit sans oser y mettre
un terme, et dont chaque jour néanmoins elle agrandit les limites.
Un chemin de fer, bien servi, comme nos chemins de fer français,
établit des communications faciles entre Aranjuez et Madrid. Il y a
des deux villes six départs chaque jour, tant que la cour occupe
Aranjuez. On met ordinairement sept quarts d'heure pour effectuer le
trajet. Il se fait par La Reina, Cienpozuelos, Yaldemoro, Pinto, Getafe
et Atocha, ancien couvent, en face duquel ou quitte le débarcadère pour
prendre les voitures qui conduisent dans les divers points de la capitale.
• Aux fêtes royales, quatre ou cinq mille Madriléniens se rendent à la
résidence d'Aranjuez, et il en est beaucoup qui ne reviennent que le
lendemain. Un plus grand nombre apportent leurs provisions qu'ils con-
somment sur l'herbe. Quelquefois Leurs Majestés font les frais du menu,
ARANJUEZ ET LA COUR.
regard de la vivacité, dans les traits une noblesse expressive, et, dans
l'accentuation des mots français, une manière qui présente quelque
charme. Le roi, d'une belle figure, garde soit à pied, soit à cheval, un
maintien fort convenable, sans affectation, sans hauteur mais sans fami-
liarité. Son esprit naturel est bien cultivé. Il partage les goûts de la reine
Isabelle pour les arts du dessin ; se connaît en tableaux, en sculpture , et
ne demeure point étranger au mouvement littéraire de l'Europe. On le
dit fort accessible et fort bon.
J'avais vu la cour de Ferdinand VII, mélange quelquefois bizarre
d'éléments divers fournis par les guerres civiles; je fus frappé de la
richesse et de l'élégance de la cour d'Isabelle II. Les hommes portent
généralement très-bien leur costume couvert d'or et de broderies; les
femmes, vêtues à la française, resplendissantes de diamants, laissent
tomber, de la partie postérieure de la tète, une barbe en dentelle qui
s'harmonie avec leur robe à queue. Les deux reines sont vêtues très-
simplement, en robe de barége ou de soie. La reine Isabelle affectionne
les teintes roses, qui, du reste, ne lui vont pas mal.
Avant le crime d'Atocha, rien n'était plus accessible que cette reine; elle
aimait, elle aimerait encore se mêler au milieu des groupes de sujets
fidèles qui accourent sur son passage; elle accordait, sans hésitation, des
audiences, et passait pour la plus abordable des grandes dames de la cour;
mais depuis, des raisons d'État ont fait apporter dans ces rapports de la
souveraine avec le peuple une réserve dont elle gémit sans oser y mettre
un terme, et dont chaque jour néanmoins elle agrandit les limites.
Un chemin de fer, bien servi, comme nos chemins de fer français,
établit des communications faciles entre Aranjuez et Madrid. Il y a
des deux villes six départs chaque jour, tant que la cour occupe
Aranjuez. On met ordinairement sept quarts d'heure pour effectuer le
trajet. Il se fait par La Reina, Cienpozuelos, Yaldemoro, Pinto, Getafe
et Atocha, ancien couvent, en face duquel ou quitte le débarcadère pour
prendre les voitures qui conduisent dans les divers points de la capitale.
• Aux fêtes royales, quatre ou cinq mille Madriléniens se rendent à la
résidence d'Aranjuez, et il en est beaucoup qui ne reviennent que le
lendemain. Un plus grand nombre apportent leurs provisions qu'ils con-
somment sur l'herbe. Quelquefois Leurs Majestés font les frais du menu,