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Bégin, Émile Auguste Nicolas Jules; Rouargue, Émile [Ill.]; Rouargue, Adolphe [Ill.]
Voyage pittoresque en Espagne et en Portugal — Paris: Belin-Leprieur et Morizot, éditeurs, 1852

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https://doi.org/10.11588/diglit.70977#0493

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GRENADE.

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les réparateurs modernes à la majestueuse physionomie des siècles,
sans parler encore de ces murailles sans fenêtres, de ces galeries en
fer-à-cheval qu'empâte une croûte de lait de chaux; nous n'essayerons
pas, même idéalement, de détacher cette dentelle, ravaudée si souvent
qu'à peine en reconnaît-on le dessin, et nous laisserons sans blâme, tant
nous voulons être bon prince, un ridicule belvédère, véritable bésicle
sur le nez d'Apollon, qui couronne la terrasse où s'asseyait Boabdil, où
se sont assis Ferdinand, Isabelle, Gonzalve, Charles-Quint, les plus
grandes gloires de l'Espagne. Une seule chose ici nous attire, la nature;
une seule chose nous charme, l'ombre mêlée de fraîcheur qu'on y
rencontre. Les phénomènes d'irrigation du Généralif, produit d'un art
très-avancé; la présence d'un bras de fleuve tout entier, rendu captif par
les Maures, puis tombant goutte à goutte, ruisselant en imperceptibles
filets autour de la montagne; les sources jaillissantes à chaque palier;
les rigoles qui gazouillent; les bassins d'où s'élèvent tant d'aigrettes
cristallines, semblent si bien identifiés avec les masses de verdure,
avec le sol, avec chaque arbre et chaque plante, pris individuellement,
qu'on oublie volontiers les travaux hydrauliques des Arabes, pour ne
voir que la nature dans sa végétation la plus luxuriante. On oublierait
aussi les hommes; on n'apercevrait que le doigt de la Providence, si la
taille contournée, bizarre des buis et des ifs, ne vous ramenait aux mau-
vaises traditions d'une horticulture vraiment sauvage.
L'enceinte ondulée et rougeâtre de l'Alhambra avec ses hautes tours,
la masse rectangulaire du palais de Charles-Quint, le clocher de Sainte-
Marie; çà et là quelques cyprès ayant l'air de gémir isolés, tous ces
objets se profilant sur un fond nuancé que forme au loin la Sierra-
Nevada, composent en face du Généralif un tableau digne du Poussin.
Nous jetâmes un coup d'œil sur la Silla ciel Moro, la Chaise du Maure,
construction antique couronnant une montagne fauve, d'où Boabdil
regardait les cavaliers arabes jouter dans la Véga contre des chevaliers
chrétiens; nous allâmes visiter l'Algibe de la Lluvia, vaste citerne où
se conservaient les grains; puis, descendant le ravin du Darro, un
chemin pratiqué au bord de l'Albaycin nous conduisit vers le Monte-
Sagrado, par deux haies grises de nopals gigantesques, qui couvrent de
leurs larges digitations palmées les grottes des gitanos.
 
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