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Bégin, Émile Auguste Nicolas Jules; Rouargue, Émile [Ill.]; Rouargue, Adolphe [Ill.]
Voyage pittoresque en Espagne et en Portugal — Paris: Belin-Leprieur et Morizot, éditeurs, 1852

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https://doi.org/10.11588/diglit.70977#0140

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VOYAGE EN ESPAGNE.

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Tortose fut assiégée plusieurs fois par les Mores et les chrétiens.
Dans un de ces combats, les femmes sont venues sur les remparts
repousser les assaillants, et leur courage a été si remarquable que
Raimond Bérenger, dernier comte de Barcelone, institua pour elles,
en 1170, l'ordre militaire de la hacha ou du flambeau. Le même jour
elles obtinrent d'autres privilèges honorables, tels que le droit d'avoir,
dans toutes les cérémonies publiques, le pas sur les hommes. Au siècle
dernier, elles étaient dépossédées de toutes ces prérogatives; mais dans
les noces, on leur laissait encore l'honneur de marcher les premières.
L'Èbre, ses ermitages et ses cavernes ont joué un grand rôle dans
l'histoire de l'Espagne. Quantité d'histoires s'y rapportent, et l'heureux
écrivain qui les connaîtrait posséderait une mine plus riche que l'ima-
gination de sir Henry Bertlioud, ce qui serait beaucoup dire. Entre
mille, nous allons, comme peinture des mœurs antiques, sous le règne
du bon roi Leuwigilde, raconter la légende de deux saints personnages,
Saturnins et Prudentius.
Dans la juridiction territoriale de Calahorra, près de la Licia, petite
rivière qui forme un des nombreux affluents de l'Èbre, Saturnins avait
choisi pour demeure une de ces grottes sombres, dont quelques feuilles
mortes, une escabelle et un vase de bois composaient tout le mobilier.
« Vrai chrétien, ne s'occupant que des choses de Dieu, il enseignait aux
habitants de la contrée la pratique des vertus évangéliques et leur en
donnait l'exemple... Si haut et si loin alla sa renommée, qu'un cer-
tain Prudentius, natif d'Alava, touché du récit qui lui avait été fait
des vertus de Saturnius, se dit un jour: «Je l'imiterai. » — Pruden-
tius était Cantabre, et jamais Cantabre n'a pris vainement une résolu-
tion. On pouvait lui appliquer l'adage : « Vouloir c'est pouvoir. » —
Or Prudentius voulut. Un jour donc que Saturnius se tenait à la porte
de sa cueva (grotte), étudiant les étoiles, ou peut-être n'étudiant rien
du tout, il aperçut, de l'autre côté de l'Èbre, qui serpentait entre le
chemin et l'ermitage, un jeune homme âgé de quatorze ou quinze ans,
lequel tendait les bras vers lui, comme pour lui dire: « Je voudrais
bien être de l'autre côté. » Mais Saturnius n'ayant pas de nacelle ne
pouvait que répondre par signes et avec un air très-désolé : «Je ne
saurais vous aller chercher. » — Effectivement le fleuve, en cette con-
 
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