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Bégin, Émile Auguste Nicolas Jules; Rouargue, Émile [Ill.]; Rouargue, Adolphe [Ill.]
Voyage pittoresque en Espagne et en Portugal — Paris: Belin-Leprieur et Morizot, éditeurs, 1852

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https://doi.org/10.11588/diglit.70977#0268

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VOYAGE EN ESPAGNE.

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donner à ses paroles l'énergie du désespoir, un tremblement nerveux
lui survint, puis des larmes abondantes coulèrent de ses yeux. — «Ne
pleurez point ainsi, s'écria don Gonzalo, l'un des grands officiers pré-
sents à l'entretien; assemblez vos vassaux; demandez-leur conseil. Si
la proposition du roi leur paraît juste, ils vous diront d'y souscrire;
sinon vous trouverez en eux autant de défenseurs intrépides, autant de
champions armés pour soutenir vos droits. » — Les vassaux réunis re-
poussèrent unanimement, comme on s'y attendait, les prétentions de
don Sancho, et déclarèrent qu'avant de livrer Zamora, tous s'enseve-
liraient sous ses ruines. Le Cid voyant bien l'inutilité d'insister davan-
tage revint au camp, fort embarrassé de rendre au monarque, d'une
manière exacte, son entretien avec l'infante. Ambassadeur adroit, il dut
en adoucir l'expression, mais pas assez pour que le roi, d'humeur très-
chatouilleuse, n'en fût point profondément blessé. — «Traître! dit le
prince courroucé; ce sont tes conseils perfides, c'est ta maladresse, c'est
ta tiédeur qui ont compromis les intérêts de ma couronne. Rends grâce
à l'estime que te portait mon père : elle seule sauve aujourd'hui ta
tête du gibet. Mais va-t'en, retire-toi de ma présence; je ne veux plus
te voir; fuis mes États sur l'heure, ou j'oublie toutes tes gloires passées
pour ne me rappeler que l'outrage du moment. » — Le Cid, on le con-
çoit, n'hésita point à quitter son gracieux souverain; il se laissa mettre,
comme de nos jours, en disponibilité, sans solde, et se garda bien de
réclamer le bénéfice d'un jugement par ses pairs. Mais, au lieu d'aller
offrir, ainsi que l'ont fait tant de fois les héros de notre époque, son
épée victorieuse au schali de Perse, au czar de Russie, ou bien à quelque
prince noir, à quelque princesse tatouée, le Cid, véritablement grand,
plus magnanime au sein de l'infortune que dans la prospérité, convoque
ses amis, ses hommes d'armes, ses vassaux, forme une petite armée, et
monté sur l'infatigable Babiéca, arrière-neveu du Bucéphale d'Alexandre,
il s'en va dans le pays ancien de Valence, puis dans l'Aragon, conquérir
sur les infidèles des villes et des châteaux-forts. Chaque jour sa puis-
sance grandissait : elle inquiéta Sancho. Les ricos homes ou seigneurs
suzerains, consultés par lui, furent d'avis de rappeler le Cid. Le prince
hésitait; mais toute la noblesse ayant insisté pour qu'il le fît, un che-
valier du nom d'Ordonez reçut la mission de l'aller trouver et de le
 
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