NOUVELLE-CASTILLE. 237
trousseau, composé de marchandises anglaises, de quincaillerie et de
tabac. Quant aux jeunes gens qui vont chercher une condition, c'est
une habitude traditionnelle depuis plusieurs siècles. Les Asturies et
les Galiciens fournissent de laquais presque tous les grands d'Espagne,
et de porteurs d'eau presque toutes les rues de Madrid. Comme ils sont
aussi fiers de leur origine que peuvent l'être les Aragonais, dès qu'ils sor-
tent du service manuel pour s'élever aux fonctions d'huissier, de major-
dome ou de régisseur, ils prennent le don et jouent l'homme de qualité.
Ce fut en compagnie d'environ cent cinquante Maragatos, Pasiegos,
Arrieros , que nous atteignîmes les sommets du Guadarrama. 11
faisait un temps charmant; le plus radieux soleil dorait la plaine, et
dans le lointain, parmi les brumes légères du Mançanarès et du Tage,
nous découvrions Madrid.
La veille de Noël 1808, Napoléon gravit la pente que nous allons
descendre. Pour encourager ses troupes, il marchait tantôt seul, tantôt
appuyé sur le bras de Savary, et s'écriait épuisé de fatigue : — «En
Espagne, une taupinière arrêterait - elle le vainqueur du Saint-
Bernard? »
MADRID.
De Guadarrama jusqu'à Madrid, le pays est monotone, mais non pas
infertile : on aperçoit quelques jolies collines; plus d'une heure avant
d'atteindre la ville dont l'œil distingue longtemps d'avance les nom-
breux clochers, on voit à gauche s'étendre les vastes dépendances d'un
château royal, le Pardo; puis, avec les faubourgs se dessinent des
allées d'arbres, se montrent quelques campagnes agréables et de rares
fabriques. La population ne se répand guère au dehors; elle sem-
ble imiter la cour, qui regarde Madrid comme une enceinte infran-
chissable, et qui ne sort du palais que pour gagner quelque rési-
dence souveraine. Cela s'explique. Dans toutes les capitales, un mo-
narque règne; les hautes classes y régnent avec lui, et le menu po-
pulaire suit l'impulsion de l'aristocratie : à Madrid, la reine ne règne
pas; le vent et la poussière l'ont détrônée. Quand elle y reste, c'est
presque par bénéfice d'amnistie de la part de ses vainqueurs, qui
trousseau, composé de marchandises anglaises, de quincaillerie et de
tabac. Quant aux jeunes gens qui vont chercher une condition, c'est
une habitude traditionnelle depuis plusieurs siècles. Les Asturies et
les Galiciens fournissent de laquais presque tous les grands d'Espagne,
et de porteurs d'eau presque toutes les rues de Madrid. Comme ils sont
aussi fiers de leur origine que peuvent l'être les Aragonais, dès qu'ils sor-
tent du service manuel pour s'élever aux fonctions d'huissier, de major-
dome ou de régisseur, ils prennent le don et jouent l'homme de qualité.
Ce fut en compagnie d'environ cent cinquante Maragatos, Pasiegos,
Arrieros , que nous atteignîmes les sommets du Guadarrama. 11
faisait un temps charmant; le plus radieux soleil dorait la plaine, et
dans le lointain, parmi les brumes légères du Mançanarès et du Tage,
nous découvrions Madrid.
La veille de Noël 1808, Napoléon gravit la pente que nous allons
descendre. Pour encourager ses troupes, il marchait tantôt seul, tantôt
appuyé sur le bras de Savary, et s'écriait épuisé de fatigue : — «En
Espagne, une taupinière arrêterait - elle le vainqueur du Saint-
Bernard? »
MADRID.
De Guadarrama jusqu'à Madrid, le pays est monotone, mais non pas
infertile : on aperçoit quelques jolies collines; plus d'une heure avant
d'atteindre la ville dont l'œil distingue longtemps d'avance les nom-
breux clochers, on voit à gauche s'étendre les vastes dépendances d'un
château royal, le Pardo; puis, avec les faubourgs se dessinent des
allées d'arbres, se montrent quelques campagnes agréables et de rares
fabriques. La population ne se répand guère au dehors; elle sem-
ble imiter la cour, qui regarde Madrid comme une enceinte infran-
chissable, et qui ne sort du palais que pour gagner quelque rési-
dence souveraine. Cela s'explique. Dans toutes les capitales, un mo-
narque règne; les hautes classes y régnent avec lui, et le menu po-
pulaire suit l'impulsion de l'aristocratie : à Madrid, la reine ne règne
pas; le vent et la poussière l'ont détrônée. Quand elle y reste, c'est
presque par bénéfice d'amnistie de la part de ses vainqueurs, qui