MUSIQUE.
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pliquent à naturaliser sur leur sol un genre naturalisé sur le nôtre;
essais jusqu'à présent de médiocre portée, zarzuelas composés avec goût,
avec l’instinct des mélodies, mais sans études suffisantes dans l’art
d’écrire. L’accueil que leur fait l’indulgence publique doit les encourager
plutôt que les aveugler sur un mérite naissant dont le patriotisme a
raison de soutenir l’essor.
Maintenant, l’opéra italien se chante dans toutes les grandes villes
d’Espagne. L’administration locale fait pour lui d’énormes sacrifices et
la bourgeoisie le fréquente volontiers. A Madrid, Barcelone, Valence,
Séville, Cadix, nous avons entendu des artistes d’un talent réel. Ces
trois derniers théâtres cependant ne sont que de troisième ordre, et les
autres de second ordre. A Valence, l’opéra alterne avec la comédie
nationale ou le vaudeville; à Séville, à Cadix, l’opéra possède une salle
spéciale; à Barcelone, le Liceo, construit nouvellement, exige une
mise en scène considérable, ruineuse pour l’administration; à Madrid,
deux opéras rivalisent entre eux; celui du Cirque, sur la place Royale,
où se sont fait entendre les Persiani, les Ronconi, les Salvi, et celui de
l’Orient, théâtre royal, achevé depuis peu dans des proportions très-
vastes. Ce théâtre reste fermé l’été. L’année dernière, Frezzolini, Alboni,
Barroilhet avaient donné à la salle d’El Principe un éclat inhabituel; on
y affluait; on en compromettait la solidité par le retentissement des
bravos. Mais un jour, au milieu des pompes de la royauté théâtrale, la
caisse se trouva vide et le charme cessa.
L’étranger qui jugerait la musique d’église espagnole d’après le
tapage infernal de la banda militar, mise en réquisition pour toutes les
cérémonies religieuses, s’en ferait une idée très-fausse, car ce n’est
qu’un assourdissant pêle-mêle de grosse caisse, de tambours, de cim-
bales, et de trompettes. Il faut pénétrer dans les églises, assister aux
offices des grandes cathédrales, principalement les jours de fête, et
même encore prier l’organiste, comme nous l’avons fait plusieurs fois,
d’exécuter les principaux passages des offices consacrés aux patrons de
la localité. On est presque sûr alors de goûter à sa source le jus du
terroir. Dans la chapelle royale du palais de la reine, à Madrid, nous
avons entendu quelques motets d’un style simple du célèbre maëstro
Esleva, la gloire musicale actuelle de la Péninsule. A Séville, un artiste
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pliquent à naturaliser sur leur sol un genre naturalisé sur le nôtre;
essais jusqu'à présent de médiocre portée, zarzuelas composés avec goût,
avec l’instinct des mélodies, mais sans études suffisantes dans l’art
d’écrire. L’accueil que leur fait l’indulgence publique doit les encourager
plutôt que les aveugler sur un mérite naissant dont le patriotisme a
raison de soutenir l’essor.
Maintenant, l’opéra italien se chante dans toutes les grandes villes
d’Espagne. L’administration locale fait pour lui d’énormes sacrifices et
la bourgeoisie le fréquente volontiers. A Madrid, Barcelone, Valence,
Séville, Cadix, nous avons entendu des artistes d’un talent réel. Ces
trois derniers théâtres cependant ne sont que de troisième ordre, et les
autres de second ordre. A Valence, l’opéra alterne avec la comédie
nationale ou le vaudeville; à Séville, à Cadix, l’opéra possède une salle
spéciale; à Barcelone, le Liceo, construit nouvellement, exige une
mise en scène considérable, ruineuse pour l’administration; à Madrid,
deux opéras rivalisent entre eux; celui du Cirque, sur la place Royale,
où se sont fait entendre les Persiani, les Ronconi, les Salvi, et celui de
l’Orient, théâtre royal, achevé depuis peu dans des proportions très-
vastes. Ce théâtre reste fermé l’été. L’année dernière, Frezzolini, Alboni,
Barroilhet avaient donné à la salle d’El Principe un éclat inhabituel; on
y affluait; on en compromettait la solidité par le retentissement des
bravos. Mais un jour, au milieu des pompes de la royauté théâtrale, la
caisse se trouva vide et le charme cessa.
L’étranger qui jugerait la musique d’église espagnole d’après le
tapage infernal de la banda militar, mise en réquisition pour toutes les
cérémonies religieuses, s’en ferait une idée très-fausse, car ce n’est
qu’un assourdissant pêle-mêle de grosse caisse, de tambours, de cim-
bales, et de trompettes. Il faut pénétrer dans les églises, assister aux
offices des grandes cathédrales, principalement les jours de fête, et
même encore prier l’organiste, comme nous l’avons fait plusieurs fois,
d’exécuter les principaux passages des offices consacrés aux patrons de
la localité. On est presque sûr alors de goûter à sa source le jus du
terroir. Dans la chapelle royale du palais de la reine, à Madrid, nous
avons entendu quelques motets d’un style simple du célèbre maëstro
Esleva, la gloire musicale actuelle de la Péninsule. A Séville, un artiste
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