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Bégin, Émile Auguste Nicolas Jules; Rouargue, Émile [Ill.]; Rouargue, Adolphe [Ill.]
Voyage pittoresque en Espagne et en Portugal — Paris: Belin-Leprieur et Morizot, éditeurs, 1852

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https://doi.org/10.11588/diglit.70977#0397

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UNE JOURNÉE EN ESPAGNE. JUS
Depuis les premières lueurs du jour jusqu'à neuf heures, ce sont les
porteurs d'eau, les marchands de comestibles, les domestiques allant
au marché, et les dévotes se rendant à la messe; ce sont les tonneaux
d'arrosage promenés à bras d'hommes, et les voitures publiques, qui
font résonner les pavés de la ville, tandis que divers industriels ébran-
lent de cris aigus ou traînants les vitres des maisons.
Vers neuf heures le citadin, la citadine se lèvent, consacrent un
temps considérable à leur toilette matinale, et se font apporter une
tasse de chocolat; ensuite la dame sort pour visiter quelque église ou
faire des emplettes, tandis que le mari, qui n'a point d'obligations profes-
sionnelles, va lire les feuilles dans quelque cabinet littéraire ou dans
un café; puis il se rend au paseo, réunion habituelle des désœuvrés
de bonne compagnie, et ne rentre chez lui que vers deux heures en
hiver, mais beaucoup plus tôt en été. 11 dîne alors et fait une sieste plus
ou moins prolongée.
Cet usage de la sieste ne nous semble pas l'expression d'un besoin
réel. Les Orientaux, Sarrasins, Arabes, pratiquaient la sieste; les Ro-
mains voluptueux, ivres de vin, saturés de débauche, s'y livraient éga-
lement. On n'est que trop porté aux choses qui plaisent, même quand
elles peuvent nuire. La jouissance de l'isolement, de l'ombre, du si-
lence et du sommeil devint impérieux pour les Espagnols, et certains
médecins, purs flatteurs, sont venus leur dire : « Dormez, puisque vous
croyez en éprouver le besoin; couchez-vous après dîner, car Hippo-
crate et Galien se couchaient, et le divin Esculape lui-même sommeil-
lait, dit-on, pour l'exemple....» D'une prescription si formelle et d'une
habitude si douce il résulte qu'en été, d'une heure à trois heures, les
rues deviennent désertes; les artisans quittent leur ouvrage, les mar-
chands ferment la boutique et vont se coucher, soit sur un canapé, soit
sur un lit disposé convenablement. En certains mois, quand se montre
l'insecte appelé moustic, on s'enveloppe la figure d'une moustiquière,
gaze ou tulle préservatif des piqûres de l'insecte.
La sieste terminée, chacun sort, chacun se rend au paseo, véritable
débit des nouvelles courantes, des petites médisances qui vont alimenter
tout à l'heure la conversation des tertulias. Ainsi, les distractions de la
journée servent de préliminaires aux distractions nocturnes.

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