398 VOYAGE EN ESPAGNE.
Alphonse), sans doute frères, travailler à la cathédrale depuis 1483
jusqu'au milieu du seizième siècle; Alphonse Berruguète, élève de
Michel-Ange, né vers 1480 à Parades de Nava, fut, comme son maître,
en même temps architecte, peintre et sculpteur.
Il serait bien étonnant que dans une ville si lettrée, si riche, l'impri-
merie n'eût pas tenté de s'introduire de très-bonne heure et d'y mul-
tiplier ses œuvres; mais on redoutait ses abus, ses écarts, et huit ou
dix impressions seulement nous signalent son existence à Tolède. La
première, exécutée par Johannes Vasqui ou Vazquez, date de l'année
1486. Jehan Tellez, sans doute d'origine espagnole, et l'Allemand
Pierre Hagenbach, sont venus ensuite; au siècle suivant, le célèbre
Jean Ayala, et tant d'autres.
Depuis le treizième siècle jusqu'à la fin du seizième, Tolède fut re-
gardée comme le centre du bon goût. C'était la ville où l'on parlait le
mieux, où l'on conservait pures les bonnes traditions du langage.
Quand Alphonse le Sage éprouvait quelques doutes sur l'acception
véritable d'un mot ou sur une construction, il faisait consulter l'aréo-
page littéraire de Tolède. « Pardieu, dit Don Quichotte, on ne saurait
obliger un paysan à parler comme un Tolédan. »
Toujours Cervantès eut pour Tolède beaucoup de déférence et d'es-
time. Il était attiré vers elle par des liens de gratitude autant que par
des sympathies, car le célèbre archevêque Bernard de Sandoval y Rojas
l'avait protégé, secouru dans sa misère. Aussi fait-il à cette localité l'in-
signe honneur d'avoir été le berceau d'une partie de son Don Quichotte,
puisqu'il assure n'ètre que le traducteur d'un manuscrit arabe trouvé
dans l'Alcama de Tolède ; et de plus, il y conduit son héros, le fait armer
chevalier des mains de la Tolosa, fille d'un fripier de la ville, tandis
qu'une autre, la Molinera, tille d'un meunier d'Antequerra, lui chausse
l'éperon. Le Don Quichotte d'Avellanida, ce rival acharné de Cervantès,
moins heureux que le héros de la Manche, est venu finir sa carrière dans
l'hospice des fous de Tolède.
Quant encore des souvenirs de gloire; de royauté triomphante ou de
royauté déchue; de religion et de littérature; d'art et d'industrie; de
science et de poésie, ne viendraient point animer le tableau rétrospectif
de Tolède; quant encore les eaux du Tage, si limpides et si belles, ne pui-
Alphonse), sans doute frères, travailler à la cathédrale depuis 1483
jusqu'au milieu du seizième siècle; Alphonse Berruguète, élève de
Michel-Ange, né vers 1480 à Parades de Nava, fut, comme son maître,
en même temps architecte, peintre et sculpteur.
Il serait bien étonnant que dans une ville si lettrée, si riche, l'impri-
merie n'eût pas tenté de s'introduire de très-bonne heure et d'y mul-
tiplier ses œuvres; mais on redoutait ses abus, ses écarts, et huit ou
dix impressions seulement nous signalent son existence à Tolède. La
première, exécutée par Johannes Vasqui ou Vazquez, date de l'année
1486. Jehan Tellez, sans doute d'origine espagnole, et l'Allemand
Pierre Hagenbach, sont venus ensuite; au siècle suivant, le célèbre
Jean Ayala, et tant d'autres.
Depuis le treizième siècle jusqu'à la fin du seizième, Tolède fut re-
gardée comme le centre du bon goût. C'était la ville où l'on parlait le
mieux, où l'on conservait pures les bonnes traditions du langage.
Quand Alphonse le Sage éprouvait quelques doutes sur l'acception
véritable d'un mot ou sur une construction, il faisait consulter l'aréo-
page littéraire de Tolède. « Pardieu, dit Don Quichotte, on ne saurait
obliger un paysan à parler comme un Tolédan. »
Toujours Cervantès eut pour Tolède beaucoup de déférence et d'es-
time. Il était attiré vers elle par des liens de gratitude autant que par
des sympathies, car le célèbre archevêque Bernard de Sandoval y Rojas
l'avait protégé, secouru dans sa misère. Aussi fait-il à cette localité l'in-
signe honneur d'avoir été le berceau d'une partie de son Don Quichotte,
puisqu'il assure n'ètre que le traducteur d'un manuscrit arabe trouvé
dans l'Alcama de Tolède ; et de plus, il y conduit son héros, le fait armer
chevalier des mains de la Tolosa, fille d'un fripier de la ville, tandis
qu'une autre, la Molinera, tille d'un meunier d'Antequerra, lui chausse
l'éperon. Le Don Quichotte d'Avellanida, ce rival acharné de Cervantès,
moins heureux que le héros de la Manche, est venu finir sa carrière dans
l'hospice des fous de Tolède.
Quant encore des souvenirs de gloire; de royauté triomphante ou de
royauté déchue; de religion et de littérature; d'art et d'industrie; de
science et de poésie, ne viendraient point animer le tableau rétrospectif
de Tolède; quant encore les eaux du Tage, si limpides et si belles, ne pui-