Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Bégin, Émile Auguste Nicolas Jules; Rouargue, Émile [Ill.]; Rouargue, Adolphe [Ill.]
Voyage pittoresque en Espagne et en Portugal — Paris: Belin-Leprieur et Morizot, éditeurs, 1852

DOI Page / Citation link:
https://doi.org/10.11588/diglit.70977#0540

DWork-Logo
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
VOYAGE EN ESPAGNE.

466
Toros. C'était une excellente fortune, un hasard des plus heureux. J'ap-
pris à distinguer le taureau navarrais, réputé si robuste, du taureau
castillan, réputé si spirituel, du taureau d'Andalousie regardé comme
le plus vif des taureaux d'Espagne; je m'initiai aux fonctions des pica-
dores, des randeriUeros, des espadas ou matadores, des cacheteros ; et ne
voulant voir qu'une seule course de taureaux, au lieu des douze courses
qu'on dit indispensables, pour prendre goût à la chose, je tâchai d'être
digne de bien apprécier Guillen et Redondo, les capitaines généraux
actuels de la Tauromachie. Ce sont les héritiers du grand Montés, le
Talma du métier; mais ils le dédoublent, tandis que Montés réunissait à
la grâce de Redondo l'étonnante souplesse de Guillen.
Le lendemain, la lice s'ouvrit; il faisait une chaleur caniculaire. Nous
prîmes un asiento de sombra, une place à l'ombre, et nous tâchâmes de
nous garantir d'un véritable incendie que dardait sur nous le soleil
d'Afrique. Les taureaux sont méchants cette année, me disait-on; le
combat sera brillant. En effet, huit belles bêtes éventrèrent trente ou
quarante chevaux; l'une d'elles lança bien au-dessus de ses cornes
l'espada qui fut en danger de la vie, et jusqu'à la nuit, nous fûmes
témoins d'évolutions sanguinaires que termina une évolution de do-
gues lancés contre le dernier taureau. On ne peut voir, sans émo-
tion, ces pauvres chevaux le ventre ouvert, parcourant l'arène; ces
taureaux ménageant les derniers restes d'une vie qui s'échappe; com-
battant par instinct de conservation plutôt que par sentiment de haine
ou de fureur. Le sort des bêtes, je l'avoue, m'intéressa beaucoup
plus que le sort des hommes, qu'on est presque sûr d'avance de voir
triompher.
Quinze à vingt mille spectateurs garnissaient les gradins du théâtre :
et le tiers au moins de ces Aficionados portaient le costume traditionnel
de l'Andalousie. Parmi eux, on voyait peu de femmes distinguées,
encore la plupart d'entre elles se cachaient-elles souvent derrière leur
éventail. Rien, ce me semble, ne saurait mieux donner l'idée des grands
jeux romains ; et si la construction de l'édifice répondait, par ses formes
élégantes, au panorama que développent autour de lui des massifs de con-
struction et de verdure; si les sièges et les tentures de l'arène s'harmo-
niaient avec la tenture étoilée du ciel, avec l'expression poétique des
 
Annotationen