469
LE GUADALQUIY1R.
fermes considérables, des exploitations de marais salins très-productifs;
les deux îles que forme le fleuve, isla mayor, isla menor, sont utilisées,
sinon comme elles devraient l'être, du moins ainsi que le comporte
l'état actuel de l'agriculture espagnole.
Le 7 mai, à huit heures et demie du matin, nous nous embarquâmes
sur le San-Telmo pour nous rendre de Séville à Cadix. Parmi les pas-
sagers, en nombre assez considérable, se trouvaient deux familles an-
glaises, quelques Allemands, et d'aimables ecclésiastiques français du
diocèse de Lyon, que j'avais rencontrés à Burgos et que j'eus un vrai
plaisir de retrouver sur le San-Telmo. S'il arrive qu'un jour ces feuilles
éphémères glissent sous les yeux de MM. David et Bissardon, je désire
qu'elles leur apportent le témoignage de mes sympathies et l'expres-
sion du regret de les avoir quittés si vite.
Le San-Telmo mérite sa réputation d'excellent marcheur : il filait ses
nœuds avec rapidité; nous voyions successivement disparaître la dente-
lure étincelante des clochers de Séville, la coiffe pyramidale de la
Giralda, les collines de Gelves, le palais mauresque de San-Juan de
Alfarache, les ruines de Coria, où les Romains fabriquaient une poterie
fort célèbre; et, dans un lointain considérable, les ondulations vapo-
reuses de la Sierra-Morena sur lesquelles s'abaisse l'horizon. Depuis
deux heures, nous ne distinguions autre chose que des monceaux de
sable ressemblant à des dunes, des herbes hautes, quelques arbres
rabougris et des oiseaux sauvages, quand le capitaine signala San-
Lucar, où s'embarqua Magellan. C'est une ville massive, lourdement
assise au bord du fleuve, méfiante des vents de mer comme Saint-
Pétersbourg des tempêtes de la Neva. A partir de ce point, les rives
s'éloignent, les vagues se rident et deviennent bondissantes; le fleuve
prend d'énormes dimensions; encore quelques encàblures, et la ligne
jaune qui sépare le Guadalquivir du domaine de l'Océan sera franchie.
Nous sommes dans le cap Cipiona : des ruines mauresques entre-
mêlées de maisons blanches aux toitures rouges, semées comme de
grosses perles sur un tapis lustré de couleurs variables, nous rappel-
lent l'emplacement du fameux rocher phénicien consacré au soleil, le
rocher d'Eon. De San-Lucar à Bonanza s'étend l'Algaïda des Arabes,
désert abandonné, terre maudite du prophète. Les chrétiens auront
LE GUADALQUIY1R.
fermes considérables, des exploitations de marais salins très-productifs;
les deux îles que forme le fleuve, isla mayor, isla menor, sont utilisées,
sinon comme elles devraient l'être, du moins ainsi que le comporte
l'état actuel de l'agriculture espagnole.
Le 7 mai, à huit heures et demie du matin, nous nous embarquâmes
sur le San-Telmo pour nous rendre de Séville à Cadix. Parmi les pas-
sagers, en nombre assez considérable, se trouvaient deux familles an-
glaises, quelques Allemands, et d'aimables ecclésiastiques français du
diocèse de Lyon, que j'avais rencontrés à Burgos et que j'eus un vrai
plaisir de retrouver sur le San-Telmo. S'il arrive qu'un jour ces feuilles
éphémères glissent sous les yeux de MM. David et Bissardon, je désire
qu'elles leur apportent le témoignage de mes sympathies et l'expres-
sion du regret de les avoir quittés si vite.
Le San-Telmo mérite sa réputation d'excellent marcheur : il filait ses
nœuds avec rapidité; nous voyions successivement disparaître la dente-
lure étincelante des clochers de Séville, la coiffe pyramidale de la
Giralda, les collines de Gelves, le palais mauresque de San-Juan de
Alfarache, les ruines de Coria, où les Romains fabriquaient une poterie
fort célèbre; et, dans un lointain considérable, les ondulations vapo-
reuses de la Sierra-Morena sur lesquelles s'abaisse l'horizon. Depuis
deux heures, nous ne distinguions autre chose que des monceaux de
sable ressemblant à des dunes, des herbes hautes, quelques arbres
rabougris et des oiseaux sauvages, quand le capitaine signala San-
Lucar, où s'embarqua Magellan. C'est une ville massive, lourdement
assise au bord du fleuve, méfiante des vents de mer comme Saint-
Pétersbourg des tempêtes de la Neva. A partir de ce point, les rives
s'éloignent, les vagues se rident et deviennent bondissantes; le fleuve
prend d'énormes dimensions; encore quelques encàblures, et la ligne
jaune qui sépare le Guadalquivir du domaine de l'Océan sera franchie.
Nous sommes dans le cap Cipiona : des ruines mauresques entre-
mêlées de maisons blanches aux toitures rouges, semées comme de
grosses perles sur un tapis lustré de couleurs variables, nous rappel-
lent l'emplacement du fameux rocher phénicien consacré au soleil, le
rocher d'Eon. De San-Lucar à Bonanza s'étend l'Algaïda des Arabes,
désert abandonné, terre maudite du prophète. Les chrétiens auront