197
RIVE MÉDITERRANÉENNE.
la place publique. J'ai vu de beaux melons à chair blanche, à peau fine,
dorée ; j'ai vu des pastèques monstrueuses, puis des fruits de cactus,
puis des grenades grosses comme les deux poings réunis, et des raisins
merveilleux de couleur et de volume. Les vendeurs sont des paysans;
voici leur costume : la tête est enveloppée d'une espèce de fichu, de
foulard plus ou moins éclatant, fortement serré autour du front.
Ajoutez à cela un grand bonnet de laine rouge qui menace le ciel ou
qui retombe sur une des épaules, et vous pourrez vous convaincre que
ces braves gens doivent être à l'abri des rhumes de cerveau. Cette habi-
tude de se couvrir la tête, même avec excès, est particulière aux Orien-
taux. Sous ce rapport, les Carthaginois d'Espagne agissent, sans
doute, de la même manière que ceux des environs de Tunis. Les mêmes
impressions font naître les mêmes besoins, l'on sait se préserver de
l'action du soleil là où son ardeur peut nuire aux fonctions cérébrales.
Ajoutez qu'eu ce pays les nuits sont toujours froides, et vous com-
prendrez la nécessité de ces précautions qui nous paraissent surabon-
dantes. En revanche, si la tête est protégée avec soin, le cou est nu, la
poitrine est à l'air, et la chemise largement ouverte laisse voir une
peau bronzée par l'action de la lumière. Le pantalon est serré au-dessus
des hanches, très-large, flottant, ne descendant pas au-dessous du genou
qui reste nu. Les jambes sont couvertes par des bas de tricot qui ne
passent pas les malléoles. Le pied nu est armé de sandales de spar-
terie, et la main porte un bâton de bois blanc, court, recourbé par le
haut comme une crosse d'évêque. Cela ressemble au pedum antique des
Égyptiens; mais le bâton tout entier n'a pas un mètre de longueur.
A quoi peut servir un pareil instrument?
J'oubliais une pièce importante du costume de mes Carthaginois. Ils
portent, au-dessus de la chemise, une sorte de gilet très-court, orné de
boutons de métal, puis une petite veste bariolée de broderies éclatantes,
et enfin une sorte de longue écharpe à carreaux, presque semblable au
plaid écossais, et qui, fixée sur l'épaule gauche, flotte en avant et en
arrière. J'ai vu plusieurs paysans drapés avec élégance dans ce man-
teau léger qu'ils ramènent autour de la poitrine de façon à se couvrir
les bras. Cela leur donne une tournure fort singulière. En général,
ces hommes sont grands et robustes; ils ont bonne mine; leur démarche
63
RIVE MÉDITERRANÉENNE.
la place publique. J'ai vu de beaux melons à chair blanche, à peau fine,
dorée ; j'ai vu des pastèques monstrueuses, puis des fruits de cactus,
puis des grenades grosses comme les deux poings réunis, et des raisins
merveilleux de couleur et de volume. Les vendeurs sont des paysans;
voici leur costume : la tête est enveloppée d'une espèce de fichu, de
foulard plus ou moins éclatant, fortement serré autour du front.
Ajoutez à cela un grand bonnet de laine rouge qui menace le ciel ou
qui retombe sur une des épaules, et vous pourrez vous convaincre que
ces braves gens doivent être à l'abri des rhumes de cerveau. Cette habi-
tude de se couvrir la tête, même avec excès, est particulière aux Orien-
taux. Sous ce rapport, les Carthaginois d'Espagne agissent, sans
doute, de la même manière que ceux des environs de Tunis. Les mêmes
impressions font naître les mêmes besoins, l'on sait se préserver de
l'action du soleil là où son ardeur peut nuire aux fonctions cérébrales.
Ajoutez qu'eu ce pays les nuits sont toujours froides, et vous com-
prendrez la nécessité de ces précautions qui nous paraissent surabon-
dantes. En revanche, si la tête est protégée avec soin, le cou est nu, la
poitrine est à l'air, et la chemise largement ouverte laisse voir une
peau bronzée par l'action de la lumière. Le pantalon est serré au-dessus
des hanches, très-large, flottant, ne descendant pas au-dessous du genou
qui reste nu. Les jambes sont couvertes par des bas de tricot qui ne
passent pas les malléoles. Le pied nu est armé de sandales de spar-
terie, et la main porte un bâton de bois blanc, court, recourbé par le
haut comme une crosse d'évêque. Cela ressemble au pedum antique des
Égyptiens; mais le bâton tout entier n'a pas un mètre de longueur.
A quoi peut servir un pareil instrument?
J'oubliais une pièce importante du costume de mes Carthaginois. Ils
portent, au-dessus de la chemise, une sorte de gilet très-court, orné de
boutons de métal, puis une petite veste bariolée de broderies éclatantes,
et enfin une sorte de longue écharpe à carreaux, presque semblable au
plaid écossais, et qui, fixée sur l'épaule gauche, flotte en avant et en
arrière. J'ai vu plusieurs paysans drapés avec élégance dans ce man-
teau léger qu'ils ramènent autour de la poitrine de façon à se couvrir
les bras. Cela leur donne une tournure fort singulière. En général,
ces hommes sont grands et robustes; ils ont bonne mine; leur démarche
63