512 VOYAGE EN ESPAGNE.
du peu de profondeur de l'eau. Les gros bâtiments ne sont pas en
sûreté dans cette vaste rade ; les vaisseaux de guerre mouillent au large ;
en ce moment il n'y en a pas un seul qui soit à l'ancre. Nous voyons
très-bien une masse blanche sur le rivage opposé, c'est Algésiras;
de l'autre côté du détroit, une montagne à tête ronde, c'est l'Afrique;
à deux encâblures du point où nous sommes se montre un immense
débris qu'on prendrait pour un écueil; c'est une grande frégate améri-
caine, le Missouri, je crois, qui a brûlé de fond en comble et dont la
coque échouée n'est recouverte que de fort peu d'eau.
Un canot nous transporte au débarcadère : j'ai pu remarquer com-
bien la mer a peu de profondeur dans les environs de la jetée. L'eau,
très-limpide, laisse voir le sable et les herbes. Le môle, que nous con-
tournons, est tout simplement une énorme batterie casematée; ilyades
embrasures dans toutes les directions, et les canons ne sont pas rares.
Des soldats anglais montent la garde sur le rempart; ils ne semblent
donner aucune attention au mouvement des barques qui affluent vers
le port. L'impassibilité britannique est à l'ordre du jour, et tout bon
Anglais ne doit s'étonner de rien. C'est le nil mirari du philosophe.
Grand bien leur fasse.
Arrii és en terre ferme, il nous a fallu subir les formalités de la police
du lieu, et une petite heure s'est écoulée avant que l'on ait bien voulu
nous autoriser à visiter la ville. Cela se fait avec une lenteur non-
chalante qui nous agace les nerfs; mais notre impatience, qui se trahit
par des signes non équivoques, n'a pas même l'honneur d'attirer l'atten-
tion de ces hommes de plomb. Enfin, nous sommes munis des pièces
nécessaires; nous franchissons le pont-levis ; les sentinelles veulent bien
nous laisser passer et nous voilà dans la ville.
Une des premières choses qui se présentent, c'est la place du marché,
que nous avons visitée avec intérêt. Ses grandes dalles de pierre sont
couvertes d'une multitude de poissons de forme nouvelle pour moi;
il y en a un surtout d'une forme très-allongée, et dont la bouche
consiste en deux immenses mâchoires noires, molles, assez semblables
au long bec d'une bécasse. Il y a aussi d'énormes poulpes, des crabes
monstrueux, des crevettes, puis des sardines, des soles et beaucoup
d'autres espèces remarquables. Les fruits ne sont-pas moins beaux ici
du peu de profondeur de l'eau. Les gros bâtiments ne sont pas en
sûreté dans cette vaste rade ; les vaisseaux de guerre mouillent au large ;
en ce moment il n'y en a pas un seul qui soit à l'ancre. Nous voyons
très-bien une masse blanche sur le rivage opposé, c'est Algésiras;
de l'autre côté du détroit, une montagne à tête ronde, c'est l'Afrique;
à deux encâblures du point où nous sommes se montre un immense
débris qu'on prendrait pour un écueil; c'est une grande frégate améri-
caine, le Missouri, je crois, qui a brûlé de fond en comble et dont la
coque échouée n'est recouverte que de fort peu d'eau.
Un canot nous transporte au débarcadère : j'ai pu remarquer com-
bien la mer a peu de profondeur dans les environs de la jetée. L'eau,
très-limpide, laisse voir le sable et les herbes. Le môle, que nous con-
tournons, est tout simplement une énorme batterie casematée; ilyades
embrasures dans toutes les directions, et les canons ne sont pas rares.
Des soldats anglais montent la garde sur le rempart; ils ne semblent
donner aucune attention au mouvement des barques qui affluent vers
le port. L'impassibilité britannique est à l'ordre du jour, et tout bon
Anglais ne doit s'étonner de rien. C'est le nil mirari du philosophe.
Grand bien leur fasse.
Arrii és en terre ferme, il nous a fallu subir les formalités de la police
du lieu, et une petite heure s'est écoulée avant que l'on ait bien voulu
nous autoriser à visiter la ville. Cela se fait avec une lenteur non-
chalante qui nous agace les nerfs; mais notre impatience, qui se trahit
par des signes non équivoques, n'a pas même l'honneur d'attirer l'atten-
tion de ces hommes de plomb. Enfin, nous sommes munis des pièces
nécessaires; nous franchissons le pont-levis ; les sentinelles veulent bien
nous laisser passer et nous voilà dans la ville.
Une des premières choses qui se présentent, c'est la place du marché,
que nous avons visitée avec intérêt. Ses grandes dalles de pierre sont
couvertes d'une multitude de poissons de forme nouvelle pour moi;
il y en a un surtout d'une forme très-allongée, et dont la bouche
consiste en deux immenses mâchoires noires, molles, assez semblables
au long bec d'une bécasse. Il y a aussi d'énormes poulpes, des crabes
monstrueux, des crevettes, puis des sardines, des soles et beaucoup
d'autres espèces remarquables. Les fruits ne sont-pas moins beaux ici