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sirer du pain ou du travail, et surtout si l’on ne peut payer les impôts,
on tombe dans l’atrocité. Il n’y a plus de degrés.
Sixième degré de la vertu :
Avoir une grosse sinécure, ou bien , être cbouan et chauffeur ; au-
quel cas , la vertu finira peut-être par triompher quelque jour, et par
être nommée sergent de ville, avec la croix-d’honneur.
Alfred Coudretix.
fftattdje*.
— N° 118. —
M. CROUPION.
Rien n’est beau que le yrai,
Le vrai seul est aimable.
Abonnés de la Caricature, je suis trop ami de la vérité , même de
celle qu’il coûte cher de dire, vous le savez, pour vous laisser croire
que le portrait de M. Croupion soit exact. Audibert s’est trompé ou
vous trompe : Croupion l’infâme n’a qu’une seule tête (tout au plus) ,
mais Croupion l’infâme a trois cents et quelques ventres. Croupion
est beaucoup plus engraissé qu’Audibert ne l’a fait; Croupion a des
croix et des galons sur toutes les coutures ; Croupion n’est pas propre
et élégant comme on vous le montre; il est taché de sang; ses brevets
et son or sont imprégnés de boue : c’est une odieuse flatterie de lui
avoir donné les têtes de nos vainqueurs, de ces hommes généreux ,
qui, nous tenant le pied sur la gorge, depuis plus d’un an , ne nous
ont encore pris que la bourse. Non, ce n’est pas là Croupion ! Voulez-
vous son exact portrait ? Le voici :
Croupion est courageux comme cet individu qui reçut un soufflet de
Rouget de Lisle , et lui en demanda réparation. devant les tribu-
naux. Il est invariable comme M. de Lameth, désintéressé comme
M. Chalret, spirituel comme M. Charles Dupin, sobre de paroles
comme M. Dupin aîné , clair comme M. Guizot, modeste comme Sé-
bastiani, libéral comme Casimir Périer, savant comme M. Montalivet,
impartial comme M. Girod de l’Ain, tolérant comme M. Persil, probe
comme MM. Soult et Gisquet. Quel être aimable! n’est-ce pas?
Quant au physique, Croupion a la tête dans les épaules comme une gre-
nouille, ou comme M. de Schonen : cette tête est carrée et plate comme
celle de M. Prunelle; elle est large du bas comme celle.... c’est-
à-dire comme une poire. Ensuite, Croupion a les yeux divergens comme
ceux de M. Barthe; il a le nez aquilin du maréchal Lobau, la bouche
gracieuse de M. de Kératry, le dernier des vilains Manoirs; il a les
couleurs biberonnes de M. Etienne , et l’air franc et ouvert de M. Du-
pin aîné.
Ses ventres diffèrent beaucoup de forme, d’ampleur et de pesan-
teur. Il en est de même de ses jambes, qui sont tantôt cagneuses
comme celles de Lancelot, lourdes comme celles du pesant maire de
Lyon, courtes comme celles du frétillant M. Thiers; alongées en ro-
tin, comme celles de l'interminable Madier-de-Montjau. Mais le point
par lequel Croupion se ressemble toujours à lui-même, c’est le juste-
milieu , cette partie que M. d’Haubersaert place sous la protection de la
police correctionnelle ; cette partie que M. Casimir Perrier devrait
respecter, puisqu’elle a donné son nom au système qu’il soutient,
puisqu’elle est lame de la moderne politique, puisque c’est d’elle que
partent tant de nobles inspirations de tribune, déboursé, de cir-
culaires, de proclamations, tant de mots jolis, comme l’arc-en-ciel,
670 ■--
comme le Curtius moderne, le Salomon parisien, comme le pain
blanc et le pain bis.
Vous le voyez, lecteurs, Audibert veut avait induits en erreur. En
attendant que je vous donne le portrait de l’ignoble Croupion, comme
je le vois et comme je le connais, j’ai voulu redresser votre jugement
qui se faussait.
Au revoir.
Ch. Philipon.
— N° H9. —
PRECAUTIONS INUTILES.
« Quand la jeunesse et l’amour sont d’accord pour tromper un bor-
« bon, tout ce qu’il veut faire pour l’empêcher peut, à bon droit,
« s’appeler la précaution inutile. »
C’est ainsi, je crois, que se termine une pièce bien connue. Je m’en
suis souvenu à propos du titre de cette lithographie, et quoique ce
soit ici le cas de renverser le sens de la phrase de Beaumarchais,
en disant :
Quand le patriotisme et l’amour sont d’accord pour soutenir un
monarque, tout ce qu’on fait pour augmenter sa force, peut, à bon
droit, s’appeler la précaution inutile.
Ch. Pb.
Mntaisus.
\ —•
LETTRE D’UN MONARQUE CONSTITUTIONNEL
TRÈS-BAS, TRÈS-IMPOTENT ET TRÈS-TERNE,
k
TRES-HAUT, TRES-PUISSANT ET TRES-LUISANT
MAHMOUD,
SULTAN DK CONSTANTINOPLE ET AUTEES LIEUX CIHCONTOISINS.
Eblouissant Confrère ,
J’apprends par les gazettes du Levant, que votre Sublimité persiste
dans le projet de civiliser son empire.
C’est assez ridicule de la part de votre Sublimité.
Tant que vous vous êtes borné à permettre aux dames de Constan-
tinople de tromper leurs maris à l’européenne, d’aller à pied où bon
leur semble, de mettre leur visage à l’air, et de se couvrir les mains
avec des gants de peau de lapin, je n’ai rien dit, ou plutôt j’ai dit :
Voyons voir.
Tant que vous vous êtes borné à ouvrir des théâtres italiens, à for-
mer des dilettanti, à empaler vos janissaires , à faire usage de cirage
anglais, et à boire du champagne, je me suis tû, espérant que vous
vous arrêteriez bientôt dans cette carrière de réformes constitu-
tionnelles.
Mais vous n’en faites rien.
On m’assure au contraire que vous faites éclairer au gaz toutes les
rues de votre brillante capitale, que vous établissez des journaux , que
vous méditez une cbarteafin que vos sujets vous aident à confectionner
les lois et à manger l’impôt. On ajoute même que, dans votre exalta-
tion démocratique, vous ne voulez point de chambre haute , sous pré-
texte que les chambres hautes sont toujours trop basses. On ajoute
enfin que vous prétendez forcer les musulmans à digérer du porc, et
à se familiariser avec l’irréligieux boudin. 11 paraît que vous comptez
LA CARICATURE.
sirer du pain ou du travail, et surtout si l’on ne peut payer les impôts,
on tombe dans l’atrocité. Il n’y a plus de degrés.
Sixième degré de la vertu :
Avoir une grosse sinécure, ou bien , être cbouan et chauffeur ; au-
quel cas , la vertu finira peut-être par triompher quelque jour, et par
être nommée sergent de ville, avec la croix-d’honneur.
Alfred Coudretix.
fftattdje*.
— N° 118. —
M. CROUPION.
Rien n’est beau que le yrai,
Le vrai seul est aimable.
Abonnés de la Caricature, je suis trop ami de la vérité , même de
celle qu’il coûte cher de dire, vous le savez, pour vous laisser croire
que le portrait de M. Croupion soit exact. Audibert s’est trompé ou
vous trompe : Croupion l’infâme n’a qu’une seule tête (tout au plus) ,
mais Croupion l’infâme a trois cents et quelques ventres. Croupion
est beaucoup plus engraissé qu’Audibert ne l’a fait; Croupion a des
croix et des galons sur toutes les coutures ; Croupion n’est pas propre
et élégant comme on vous le montre; il est taché de sang; ses brevets
et son or sont imprégnés de boue : c’est une odieuse flatterie de lui
avoir donné les têtes de nos vainqueurs, de ces hommes généreux ,
qui, nous tenant le pied sur la gorge, depuis plus d’un an , ne nous
ont encore pris que la bourse. Non, ce n’est pas là Croupion ! Voulez-
vous son exact portrait ? Le voici :
Croupion est courageux comme cet individu qui reçut un soufflet de
Rouget de Lisle , et lui en demanda réparation. devant les tribu-
naux. Il est invariable comme M. de Lameth, désintéressé comme
M. Chalret, spirituel comme M. Charles Dupin, sobre de paroles
comme M. Dupin aîné , clair comme M. Guizot, modeste comme Sé-
bastiani, libéral comme Casimir Périer, savant comme M. Montalivet,
impartial comme M. Girod de l’Ain, tolérant comme M. Persil, probe
comme MM. Soult et Gisquet. Quel être aimable! n’est-ce pas?
Quant au physique, Croupion a la tête dans les épaules comme une gre-
nouille, ou comme M. de Schonen : cette tête est carrée et plate comme
celle de M. Prunelle; elle est large du bas comme celle.... c’est-
à-dire comme une poire. Ensuite, Croupion a les yeux divergens comme
ceux de M. Barthe; il a le nez aquilin du maréchal Lobau, la bouche
gracieuse de M. de Kératry, le dernier des vilains Manoirs; il a les
couleurs biberonnes de M. Etienne , et l’air franc et ouvert de M. Du-
pin aîné.
Ses ventres diffèrent beaucoup de forme, d’ampleur et de pesan-
teur. Il en est de même de ses jambes, qui sont tantôt cagneuses
comme celles de Lancelot, lourdes comme celles du pesant maire de
Lyon, courtes comme celles du frétillant M. Thiers; alongées en ro-
tin, comme celles de l'interminable Madier-de-Montjau. Mais le point
par lequel Croupion se ressemble toujours à lui-même, c’est le juste-
milieu , cette partie que M. d’Haubersaert place sous la protection de la
police correctionnelle ; cette partie que M. Casimir Perrier devrait
respecter, puisqu’elle a donné son nom au système qu’il soutient,
puisqu’elle est lame de la moderne politique, puisque c’est d’elle que
partent tant de nobles inspirations de tribune, déboursé, de cir-
culaires, de proclamations, tant de mots jolis, comme l’arc-en-ciel,
670 ■--
comme le Curtius moderne, le Salomon parisien, comme le pain
blanc et le pain bis.
Vous le voyez, lecteurs, Audibert veut avait induits en erreur. En
attendant que je vous donne le portrait de l’ignoble Croupion, comme
je le vois et comme je le connais, j’ai voulu redresser votre jugement
qui se faussait.
Au revoir.
Ch. Philipon.
— N° H9. —
PRECAUTIONS INUTILES.
« Quand la jeunesse et l’amour sont d’accord pour tromper un bor-
« bon, tout ce qu’il veut faire pour l’empêcher peut, à bon droit,
« s’appeler la précaution inutile. »
C’est ainsi, je crois, que se termine une pièce bien connue. Je m’en
suis souvenu à propos du titre de cette lithographie, et quoique ce
soit ici le cas de renverser le sens de la phrase de Beaumarchais,
en disant :
Quand le patriotisme et l’amour sont d’accord pour soutenir un
monarque, tout ce qu’on fait pour augmenter sa force, peut, à bon
droit, s’appeler la précaution inutile.
Ch. Pb.
Mntaisus.
\ —•
LETTRE D’UN MONARQUE CONSTITUTIONNEL
TRÈS-BAS, TRÈS-IMPOTENT ET TRÈS-TERNE,
k
TRES-HAUT, TRES-PUISSANT ET TRES-LUISANT
MAHMOUD,
SULTAN DK CONSTANTINOPLE ET AUTEES LIEUX CIHCONTOISINS.
Eblouissant Confrère ,
J’apprends par les gazettes du Levant, que votre Sublimité persiste
dans le projet de civiliser son empire.
C’est assez ridicule de la part de votre Sublimité.
Tant que vous vous êtes borné à permettre aux dames de Constan-
tinople de tromper leurs maris à l’européenne, d’aller à pied où bon
leur semble, de mettre leur visage à l’air, et de se couvrir les mains
avec des gants de peau de lapin, je n’ai rien dit, ou plutôt j’ai dit :
Voyons voir.
Tant que vous vous êtes borné à ouvrir des théâtres italiens, à for-
mer des dilettanti, à empaler vos janissaires , à faire usage de cirage
anglais, et à boire du champagne, je me suis tû, espérant que vous
vous arrêteriez bientôt dans cette carrière de réformes constitu-
tionnelles.
Mais vous n’en faites rien.
On m’assure au contraire que vous faites éclairer au gaz toutes les
rues de votre brillante capitale, que vous établissez des journaux , que
vous méditez une cbarteafin que vos sujets vous aident à confectionner
les lois et à manger l’impôt. On ajoute même que, dans votre exalta-
tion démocratique, vous ne voulez point de chambre haute , sous pré-
texte que les chambres hautes sont toujours trop basses. On ajoute
enfin que vous prétendez forcer les musulmans à digérer du porc, et
à se familiariser avec l’irréligieux boudin. 11 paraît que vous comptez
LA CARICATURE.