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depuis le commencement de l'histoire, jamais l'individu n'avait réclamé
avec autant de force le droit de mettre sa pensée au service des hommes
qui ne le comprenaient pas. Au long de ces successions implacables
d'analyses et de synthèses (i) que l'évolution de l'esprit nous impose
comme des traversées de l'enfer et des séjours au paradis, nous réa-
lisons des synthèses partielles et des analyses partielles qui corres-
pondent à des triomphes momentanés de classes ou de tendances
dans l'organisme social. La synthèse grecque qui atteignit sans doute
sa plus forte expression entre les poèmes d'Homère et les guerres
médiques fut une courte étape au cours de la longue analyse qui sépara
le déclin des vieilles civilisations orientales du commencement obscur
des civilisations modernes. Mais ce fut l'étape décisive qui détermina
l'avenir.
En tout cas, l'action philosophique et esthétique à laquelle elle
aboutit, parut dissocier pour toujours les éléments de l'énergie humaine,
et quand elle eut introduit dans le monde les terribles ferments de la
raison et de la liberté, le monde sembla condamné à ne plus retrouver
les accords profonds où tous les hommes se rencontrent et où le rythme
social submerge tous les rythmes individuels. Il est vrai que la pein-
ture, l'instrument plastique individuel par excellence, de par sa sou-
plesse infinie, son obéissance à tous les détours, à tous les soubresauts,
à tous les rayons, à toutes les ombres de l'esprit, sa faculté d'enche-
vêtrer les rapports les plus complexes, ne nous a presque rien révélé
de ce que lui confia l'âme des anciens errant à la recherche d'elle-
même. La sculpture, art social encore, qui doit faire dans l'espace
un bloc arrêté de partout et répondre par conséquent à des idées phi-
losophiques nettement architecturées, la sculpture, arrachée du temple,
ne pouvait que nous dénoncer l'inquiétude, le doute, la dispersion,
l'irrémédiable désordre du corps social lui-même et nous faire prévoir
la venue d'un monde nouveau sans nous en indiquer la direction véri-
table. Quoi qu'il en soit, l'analyse hellénique infligea au vieux monde
une telle dispersion qu'il parut sombrer pour toujours et qu'il dut
faire appel aux Juifs d'abord, aux barbares ensuite, pour reconstituer
sur un terrain nouveau l'ébauche d'un rythme social qui n'aboutit
que dix-sept siècles après le Parthénon, avec la Commune occidentale,
la cathédrale française, les poèmes populaires de l'Allemagne et la
halle des Flamands.
La Renaissance doit son nom à ce qu'elle exprima une heure de
notre histoire analogue à celle dont Euripide et Praxitèle vécurent les
premiers et les plus décisifs instants. Seulement, nous pouvons en
(i) Les saint-simoniens disaient de périodes critiques et organiques.

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