seuls et que l'optimisme est le fruit de la communion entre les hommes,
comment se fait-il que les hommes, quand ils ont réalisé cette commu-
nion divine, comment se fait-il que les hommes ne puissent la sauve-
garder? C'est qu'aucune société ne résiste à la stagnation générale
qu'entraînerait son maintien. C'est que la vie, c'est l'effort même.
C'est que l'équilibre des éléments qui la composent n'est jamais une
réalisation statique mais toujours une tendance, ou du moins qu'il
ne s'effectue qu'un instant trop imperceptible pour que nous puissions
l'arrêter autrement que dans les œuvres qui jaillissent à cet instant
de notre cœur.
Cet équilibre dynamique toujours rompu, toujours devenant, qu'il
est impossible de maintenir mais dont il est impossible aussi d'étouffer
en nous l'espérance, ce repos que nous poursuivons avec le désir de
l'atteindre et le pressentiment de le perdre aussitôt, ne pourrait se
prolonger qu'à la condition que tous les organes sociaux s'adaptent
d'une manière spontanée, étroite et mobile à la fois, au milieu écono-
mique et moral qui évolue sans arrêt. Mais très vite un moment arrive
où l'apparition de nouveaux peuples et de méthodes nouvelles, de
découvertes imprévues, de courants d'idées extérieures font pencher
la balance, où l'un des organes tend à croître aux dépens d'un autre,
où l'égoïsme étroit d'une classe, d'une caste, d'un groupe quelconque
d'individus accapare à son profit l'action des autres et suscite parmi
eux l'apparition de forces isolées qui germeront peu à peu en des
intelligences faites pour rechercher la loi d'un équilibre nouveau. La
fortune inégalement répartie, les besoins qu'elle développe, les grou-
pements d'intérêts qu'elle crée fatalement, a sans doute été jusqu'à
présent le facteur le plus visiblement actif des dissociations sociales
que nous observons dans l'histoire, en même temps qu'elle prépa-
rait le terrain, par les aristocraties de culture qu'elle contribue à
former, aux futures associations des éléments qu'elle sépara les uns
des autres. On a toujours cru que le luxe exerçait une action favorable
sur le développement de l'art. En réalité, les rapports certains qui les
unissent ont fait bénéficier la richesse d'un rôle qu'elle n'eut jamais.
Les forces intellectuelles d'un peuple naissent de l'effort même d'où
jaillissent avec elles la richesse des individus, la puissance de rayon-
nement et d'expansion de la collectivité. A l'heure où ces forces prennent
conscience d'elles-mêmes l'architecture est morte et la sculpture se
meurt. Si les aristocraties de fortune recueillent la floraison de la lit-
térature et surtout de la peinture, ce sont elles aussi qui les flétrissent,
comme la richesse acquise détruit la puissance d'un peuple en élevant
autour de lui des organes d'isolement et de défense qui finissent
par l'écraser. Les hommes n'ont qu'une richesse, l'action.
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comment se fait-il que les hommes, quand ils ont réalisé cette commu-
nion divine, comment se fait-il que les hommes ne puissent la sauve-
garder? C'est qu'aucune société ne résiste à la stagnation générale
qu'entraînerait son maintien. C'est que la vie, c'est l'effort même.
C'est que l'équilibre des éléments qui la composent n'est jamais une
réalisation statique mais toujours une tendance, ou du moins qu'il
ne s'effectue qu'un instant trop imperceptible pour que nous puissions
l'arrêter autrement que dans les œuvres qui jaillissent à cet instant
de notre cœur.
Cet équilibre dynamique toujours rompu, toujours devenant, qu'il
est impossible de maintenir mais dont il est impossible aussi d'étouffer
en nous l'espérance, ce repos que nous poursuivons avec le désir de
l'atteindre et le pressentiment de le perdre aussitôt, ne pourrait se
prolonger qu'à la condition que tous les organes sociaux s'adaptent
d'une manière spontanée, étroite et mobile à la fois, au milieu écono-
mique et moral qui évolue sans arrêt. Mais très vite un moment arrive
où l'apparition de nouveaux peuples et de méthodes nouvelles, de
découvertes imprévues, de courants d'idées extérieures font pencher
la balance, où l'un des organes tend à croître aux dépens d'un autre,
où l'égoïsme étroit d'une classe, d'une caste, d'un groupe quelconque
d'individus accapare à son profit l'action des autres et suscite parmi
eux l'apparition de forces isolées qui germeront peu à peu en des
intelligences faites pour rechercher la loi d'un équilibre nouveau. La
fortune inégalement répartie, les besoins qu'elle développe, les grou-
pements d'intérêts qu'elle crée fatalement, a sans doute été jusqu'à
présent le facteur le plus visiblement actif des dissociations sociales
que nous observons dans l'histoire, en même temps qu'elle prépa-
rait le terrain, par les aristocraties de culture qu'elle contribue à
former, aux futures associations des éléments qu'elle sépara les uns
des autres. On a toujours cru que le luxe exerçait une action favorable
sur le développement de l'art. En réalité, les rapports certains qui les
unissent ont fait bénéficier la richesse d'un rôle qu'elle n'eut jamais.
Les forces intellectuelles d'un peuple naissent de l'effort même d'où
jaillissent avec elles la richesse des individus, la puissance de rayon-
nement et d'expansion de la collectivité. A l'heure où ces forces prennent
conscience d'elles-mêmes l'architecture est morte et la sculpture se
meurt. Si les aristocraties de fortune recueillent la floraison de la lit-
térature et surtout de la peinture, ce sont elles aussi qui les flétrissent,
comme la richesse acquise détruit la puissance d'un peuple en élevant
autour de lui des organes d'isolement et de défense qui finissent
par l'écraser. Les hommes n'ont qu'une richesse, l'action.
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