Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Overview
Facsimile
0.5
1 cm
facsimile
Scroll
OCR fulltext
en Italie, connut certainement son œuvre et y puisa peut-être en
partie son goût d'exotisme et son parfum d'Orient.
Il y vit sans doute aussi celle de Piero della Francesca. Ce grand
peintre, artiste nomade, comme tous ceux qui venaient à Rome en
ce temps-là, était à peine son aîné. Ses paysages schématiques demeu-
raient sûrement dans le souvenir de Gozzoli quand il couvrait les
murs du Campo-Santo de Pise de peintures rouges où s'enfoncent
les fines campagnes traversées par les Florentins. Mais la nature de
Gozzoli est aussi fantaisiste que celle de Piero est sévère et tout d'une
pièce. D'ailleurs, bien qu'il vînt d'une région voisine de l'Ombrie, plus
montagneuse il est vrai, plus farouche, il présentait aussi avec les
maîtres de cette province un de ces contrastes étonnants qui carac-
térisent l'Italie de Dante et Giotto à Michel-Ange et Raphaël et
dressent Machiavel en face de François d'Assise. Piero a peint des
profils arrêtés qui paraissent creusés dans le cuivre, des robes brodées
de fleurs aiguës comme des épines, de grandes figures austères isolées
par un trait pur. Des nuages horizontaux s'accumulaient dans un
ciel où la colombe divine étendait des ailes rigides. Une majesté terrible
dressait plus haut que tous les fronts les enfants de sa pensée. Les
anges qui jouaient paraissaient des cariatides faites pour soutenir la
voûte sonore qui s'étendait invisible au-dessus du morne chemin.
La profondeur des violons passait dans ses harmonies. Quand il pei-
gnait la guerre, il était dur comme la guerre, quand il peignait la
nuit, on n'y voyait qu'une cuirasse, la pointe d'une lance et les visages
du sommeil. C'était un esprit façonné par l'étude méthodique et tenace
de toutes les sciences exactes qu'on connaissait alors. Il écrivait des
traités de perspective. Il essayait de subordonner la nature aux prin-
cipes géométriques qui avaient formé son esprit. La fusion de l'élé-
ment vivant que notre sensibilité nous révèle et de l'élément mathé-
matique où notre intelligence nous conduit, s'opérait aussi dans son
œuvre qui constitue l'expression la plus forte de l'acharnement apporté
par les Italiens à trouver l'accord absolu de la science et de l'art,
d'une manière plus étroite que chez Paolo Uccello, moins factice que
chez Vinci.
Quand on compare celui-ci à Piero della Francesca, il semble
qu'on assiste à un recul dans l'ascension de la peinture. La perspective
et ses problèmes le tourmentent. L'effort pour l'incorporer à la toile
y est visible partout, ce qui produit l'impression quelque peu pénible
de deux mondes juxtaposés. Chez Piero, au contraire, la forme devient
à la fois la cristallisation et le noyau du poème spatial qui se développe
dans la fresque avec une indicible grandeur. La perspective se fait
lyrique, de mécanique qu'elle était. C'est lui, on peut le dire, qui a

— 56 —
 
Annotationen