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sur l'avenir, le moment de sa vie où le peintre le rencontra. Mais il
en est tant de ces visages, donateurs et donatrices et béguines age-
nouillées et les mains jointes, échevins, magistrats, membres de con-
fréries, que le type moyen finit par naître de nos souvenirs confus,
comme le type moyen des faces taillées dans la pierre par l'imagier
champenois ou picard. Le moyen âge continue, son procédé d'accumu-
lation patiente dont chaque élément, vu de près, garde sa caractéris-
tique, et dont l'ensemble, vu de loin, forme un tout compact et
solidaire, impossible à dissocier. D'ailleurs, des intérêts communs
donnaient aux artistes de Flandre une vie morale commune. Ils conti-
nuaient d'appartenir aux corporations du moyen âge. Quand les Van
Eyck arrivèrent à Gand, une ghilde de peintres y existait depuis long-
temps, qui n'avait ni d'autres devoirs ni d'autres privilèges que les
ghildes de tisserands, de forgerons, de teinturiers ou de brasseurs.

III
Il était impossible qu'à ce moment-là, et avec des hommes aussi
sûrs d'eux-mêmes, l'influence de la peinture individualiste du Midi
qui se fit, au cours du même siècle, si fortement sentir à Avignon,
entamât la Flandre. On ne la trouve pas chez les Van Eyck, ni chez
Petrus Cristus, ni chez Bouts, ni chez Van der Goes et Van Ouwater
leurs élèves. Cependant, même en ne tenant pas compte de l'action
que l'Italie et l'Europe du Nord exerçaient depuis longtemps l'une
sur l'autre par l'intermédiaire des architectes et des échanges de
manuscrits, on peut être certain que dès la fin du xive siècle, les peintres
du Nord connaissaient Giotto et son école, que les Italiens virent, dès
le début du xve, se lever le soleil du Nord. Mais si l'Italie ne demanda
jamais à la Flandre, bien qu'elle reçût à merveille ses artistes et
achetât leurs tableaux, autre chose que des leçons techniques, il fallut
un siècle d'appauvrissement matériel et moral pour que la Flandre
écoutât l'Italie, et la résurrection d'Anvers pour que l'Italie pût donner
à la Flandre un aliment de force au lieu de l'amener à renier ses dons.
Rogier van der Weyden resta Flamand et tout autant que les
Van Eyck, mais autrement. Cent ans avant les romanisants de son
pays et bien mieux qu'ils ne le firent, parce qu'il possédait la liberté
que donne la croyance en soi, il avait vu ce qui assure à la peinture
italienne sa puissance de révélation, d'éducation et de rayonnement.
Il avait parcouru la ligne continue que la main de Giotto traça sur les

T. III.

— 113 —

II
 
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