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et forts visages des princes et des marchands, si van Orley, tapissier
somptueux, n'avait gardé, dans ses formes trop boursouflées, quelque
trace du sentiment dramatique dont Rogier van der Weyden anima
les débuts de la grande peinture flamande, et surtout si Rubens n'avait
pas eu dans sa jeunesse l'esprit hanté par les poèmes maladroits d'une
foule d'artistes qui ne parlaient que de l'Italie et conseillaient aux
jeunes gens d'aller y étudier les maîtres avant de prendre le pinceau,
nous aurions oublié tous les romanisants. Aucun ne sut se pencher
sur Anvers, son grand port, sa vie plantureuse, ni surtout regarder
au dedans de lui-même l'ascension de l'orgueil de vivre que le contact
d'un tel foyer d'action eût pu et dû y provoquer.
Quentin Matsys, parce qu'il y était né peut-être, parce qu'il y
avait toujours vécu, parce qu'il ne quittait guère sa brosse que pour
reprendre son marteau de forgeron, fut le seul à entrevoir les sources
neuves que la vie montante d'Anvers allait ouvrir. Au siège de la
ghilde, certes, on parlait de l'Italie et les tableaux que se montraient
les compagnons, les grandes nudités rosâtres dans les paysages sacrés
où des troupeaux menés par des dieux descendaient les prairies en
pente, multipliaient autour de lui la tentation d'abandonner au courant
de la mode les forces jeunes que ses origines populaires l'obligeaient
à respecter. Mais il commençait à comprendre la leçon latine et maî-
trisait à demi l'élan d'un instinct qui se recréait peu à peu. Il a moins
de vides que les grands primitifs flamands, l'ordonnance de ses
tableaux est moins confuse et quelquefois on y retrouve — comme
dans l'Ensevelissement du Christ — un effort très accusé et très tendu
vers la continuité des lignes et l'équilibre des volumes, qui doit être
le passage du grand sentiment dramatique de Rogier van der Weyden
à la formidable arabesque où Rubens entraînera dans un tumulte
abondant comme les saisons et ordonné comme leur rythme, toutes
les formes de la vie. N'importe, il est plus Flamand que les autres,
direct, compact, avec des échappées de charme étrange et de lointains
paysages transparents. Comme il travaillait le fer, sa matière est un
peu dure et sèche, comme il n'avait pas eu le temps de regarder
l'Escaut, les terres grasses qu'il arrose et le ciel, sa couleur est un peu
pâle. Mais il aime les chairs sanguines, la bonne chère et le bon temps.
En germe, tout Anvers, du prodigieux Rubens au médiocre Téniers.
On ne peut, surtout après avoir compris Quentin Matsys, nier
la nécessité ni l'importance du rôle des romanisants. L'idée gothique
en Flandre, comme en France, comme en Allemagne, avait épuisé
ses ressources. Il s'agissait, pour l'artiste du Nord, ou de mourir, ou
d'accepter l'enquête personnelle que l'artiste du Midi lui proposait
d'entreprendre. Il accepta résolument — Erasme est du même âge

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