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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 13.1876

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Blanc, Charles: Le génie de Michel-Ange dans le dessin
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https://doi.org/10.11588/diglit.21843#0037

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32

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

étonnant dessinateur qui fut jamais. Je parle ici, bien entendu, de
l’amateur vrai, de celui qui aime par-dessus tout les choses d’art, et
dont l’amour n’est empoisonné par aucune idée de spéculation. Je ne
parle pas de ces curieux dont l’admiration factice n’est qu’une forme de
la vanité, et encore moins de cet amateur égoïste qui, estimant le rare
plus que le beau, n’est heureux que d’avoir ce que les autres n’ont
point. Sans doute il ne convient pas de vulgariser, dans la mauvaise
acception du mot, les œuvres exquises, c’est-à-dire qu’il est dommage
de les exposer à une banalité qui les déprécie, en les livrant chaque jour
et en tous lieux aux regards des profanes. Mais s’il ne faut pas rendre
les très-belles choses vulgaires, il faut les rendre accessibles à tous ceux
qui sont capables de les sentir. Si l’on ne doit pas semer des perles
devant les barbares, on* doit ouvrir les écrins de l’art à d’autres qu’aux
riches. Les âmes délicates ne sont pas toujours celles que la fortune
comble de ses faveurs ; et du reste, pour bien jouir d’un ouvrage excel-
lent, il est bon qu’on ait eu de la peine à l’acquérir, et que la posses-
sion en soit le prix d’un effort, la recompense d’une privation. Je plains
celui qui, pour posséder un dessin de Michel-Ange, n’aurait qu’à dire:
je veux. Celui-là, j’imagine, serait bientôt blasé sur un bonheur si
facile.

Pour ce qui est. d’un artiste, je ne sache pas qu’on puisse rien lui
souhaiter, rien lui offrir de plus précieux que la collection des photogra-
phies dont je parle. En regardant de pareils dessins, le peintre devra
ressentir quelque honte de dessiner mal, et le sculpteur lui-même en
devra rougir, bien qu’il ait l’habitude de dessiner plutôt dans l’espace
et de chercher les innombrables contours de la forme dans les trois
dimensions. Mais, sculpteur ou peintre, l’artiste qui aura ces photogra-
phies sous les yeux trouvera certainement un plaisir ineffable à commu-
niquer, à travers les siècles, avec un Michel-Ange, à entrer dans sa
maison, dans son intimité, à recevoir la confidence de ses plus secrètes
pensées, de ses élans d’imagination, de ses études opiniâtres, de ses
fantaisies. Sans aller à Vienne, à Dresde, à Weimar, à Oxford, à Windsor,
à Londres, à Venise, à Florence, sans monter au Louvre, s’il habite
Paris, sans venir à Paris, s’il est hors de France, il recevra les leçons
familières du plus grand des maîtres dans l’art du dessin. Ces feuilles
de papier qui sont devenues maintenant, grâce à l’invention de
Daguerre, impérissables, inaltérables, elles parlent aussi éloquemment
qu’aurait parlé le dessinateur lui-même. Je suis assuré qu’un peintre
qui a passé une heure à les voir, j’allais dire à les écouter, en éprouve
une impression qui l’élève dans sa propre estime, le fait aspirer aux som-
 
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