6^ GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
composition compacte, les mêmes particularités dans les ajustements.
Arrivé à ce point, Michel-Ange n’abordera plus ce style un peu hié-
ratique, de même qu’il ne fera plus de nouvelles imitations de l’antique.
En 1501, il est appelé à Florence et il y exécute son chef-d’œuvre de maî-
trise, la statue colossale de David. Le jeune sculpteur avait une grande
renommée, car le Bac chus et la Pietà avaient excité une admiration géné-
rale. Le David marque un talent arrivé désormais à sa plénitude mais
non pas encore affranchi de toute entrave. Certes il n’avait pas peu
servi à Buonarroti d’avoir vu à Rome les colosses du Monte-Cavallo avant
d’entreprendre un si grand ouvrage; néanmoins ce travail ne porte aucune
trace d’imitation, ni de ressouvenir. Les formes sont étudiées d’après
nature et nous pourrions dire d’après un seul et unique modèle, tant l’en-
semble a d’individualité; tant il y a d’unité dans le caractère. L’ampleur
du modelé est digne de la plus grande statuaire, le corps est savamment
divisé, mais l’artiste s’est rapproché de la vérité naturelle telle que
l’avaient entendue les plus grands sculpteurs de l’École florentine. Cette
fois la vue des chefs-d’œuvre de ses devanciers opérait sur lui. Que l’on
examine la tête du David et qu’on la compare à la tête du Saint Georges
de Donatello. Le froncement du sourcil est absolument le même; l’expres-
sion hardie et presque provocatrice du regard offre la plus grande analogie.
Michel-Ange, gêné par le bloc qu’il avait à travailler et qui avait été
entamé par un autre sculpteur, ne put développer sa composition autant
qu’il l’aurait voulu; la tête de Goliath n’v a pas trouvé place, et le
moment qu’il a fallu choisir est celui où David va faire usage de sa fronde :
il faut plaindre le statuaire de la contrainte qui lui fut imposée. Mais
dut-on faire quelques observations sur la très-sérieuse difficulté qu’il y
a de traiter dans des proportions colossales la figure d’un jeune garçon
qui n’a point encore accompli son développement viril, il faut néanmoins
admirer dans le David la justesse des rapports, la finesse du dessin,
l’harmonie du travail si plein et d’ailleurs si bien terminé dans sa partie
matérielle que, bien que pendant plus de trois cent soixante-dix ans il ait
été exposé en plein air, il se trouve qu’à peine l’extrémité de l’un de ses
pieds est endommagée par le temps.
Nous avons dû suivre les hésitations et montrer les allées et venues
de ce génie qui s’est cherché d’abord en dehors de lui-même. Il est salu-
taire de voir par quel enchaînement d’efforts, par quelle gymnastique
et par quelle attention ardemment tendue vers des objets divers,
Buonarroti arrive à être lui. Celui qu’on devait appeler le terrible
n’était pas destiné à se produire en dehors des idées et des faits qui
l’entouraient et par un coup foudroyant. Son génie n’échappe à aucune
composition compacte, les mêmes particularités dans les ajustements.
Arrivé à ce point, Michel-Ange n’abordera plus ce style un peu hié-
ratique, de même qu’il ne fera plus de nouvelles imitations de l’antique.
En 1501, il est appelé à Florence et il y exécute son chef-d’œuvre de maî-
trise, la statue colossale de David. Le jeune sculpteur avait une grande
renommée, car le Bac chus et la Pietà avaient excité une admiration géné-
rale. Le David marque un talent arrivé désormais à sa plénitude mais
non pas encore affranchi de toute entrave. Certes il n’avait pas peu
servi à Buonarroti d’avoir vu à Rome les colosses du Monte-Cavallo avant
d’entreprendre un si grand ouvrage; néanmoins ce travail ne porte aucune
trace d’imitation, ni de ressouvenir. Les formes sont étudiées d’après
nature et nous pourrions dire d’après un seul et unique modèle, tant l’en-
semble a d’individualité; tant il y a d’unité dans le caractère. L’ampleur
du modelé est digne de la plus grande statuaire, le corps est savamment
divisé, mais l’artiste s’est rapproché de la vérité naturelle telle que
l’avaient entendue les plus grands sculpteurs de l’École florentine. Cette
fois la vue des chefs-d’œuvre de ses devanciers opérait sur lui. Que l’on
examine la tête du David et qu’on la compare à la tête du Saint Georges
de Donatello. Le froncement du sourcil est absolument le même; l’expres-
sion hardie et presque provocatrice du regard offre la plus grande analogie.
Michel-Ange, gêné par le bloc qu’il avait à travailler et qui avait été
entamé par un autre sculpteur, ne put développer sa composition autant
qu’il l’aurait voulu; la tête de Goliath n’v a pas trouvé place, et le
moment qu’il a fallu choisir est celui où David va faire usage de sa fronde :
il faut plaindre le statuaire de la contrainte qui lui fut imposée. Mais
dut-on faire quelques observations sur la très-sérieuse difficulté qu’il y
a de traiter dans des proportions colossales la figure d’un jeune garçon
qui n’a point encore accompli son développement viril, il faut néanmoins
admirer dans le David la justesse des rapports, la finesse du dessin,
l’harmonie du travail si plein et d’ailleurs si bien terminé dans sa partie
matérielle que, bien que pendant plus de trois cent soixante-dix ans il ait
été exposé en plein air, il se trouve qu’à peine l’extrémité de l’un de ses
pieds est endommagée par le temps.
Nous avons dû suivre les hésitations et montrer les allées et venues
de ce génie qui s’est cherché d’abord en dehors de lui-même. Il est salu-
taire de voir par quel enchaînement d’efforts, par quelle gymnastique
et par quelle attention ardemment tendue vers des objets divers,
Buonarroti arrive à être lui. Celui qu’on devait appeler le terrible
n’était pas destiné à se produire en dehors des idées et des faits qui
l’entouraient et par un coup foudroyant. Son génie n’échappe à aucune