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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 13.1876

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Nr. 1
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Mézières, Alfred Jean François: Michel-Ange: poète
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https://doi.org/10.11588/diglit.21843#0216

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MICHEL-ANGE, POETE.

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sies lyriques seront donc, suivant toute vraisemblance, des poésies
vigoureuses. L’énergie est, en effet, le caractère dominant des sonnets
de Michel-Ange.

Cette rude main,, habituée à manier le marbre, s’assouplit difficile-
ment aux harmonieuses élégances de la langue de Pétrarque. Sans forcer
la comparaison, on reconnaîtrait une certaine ressemblance entre l’étude
des corps nus dans laquelle Michel-Ange excelle et la nudité de sa poésie.
De même qu’il se plaît, avec son ciseau, à attaquer directement la chair
sans l’orner de draperies, il aborde de front sa pensée, la traduit d’un
trait précis et s’arrête, après l’avoir exprimée, sans se soucier de l’em-
bellir. Là où Pétrarque, où Dante lui-même, introduiraient une épithète
agréable, destinée à caresser l’oreille, Michel-Ange se contente du mot
le plus simple et le plus bref; quelquefois même il condense tellement
sa pensée qu’il la rend obscure, presque inintelligible. La sobriété lui est
si naturelle qu’il a toujours peur d’être trop long et qu’il pria un jour un
de ses amis, Louis de Riccio, de raccourcir un de ses madrigaux. La poésie
moderne a rarement employé un langage plus sévère que celui que lui
prête cette grande âme d’artiste, amie de la solitude, farouche et hautaine.

Et cependant il n’écrit que pour exprimer le sentiment le plus doux
qui ait charmé sa vie. De mœurs pures, habitué au plus dur labeur, tra-
vaillant tout le jour et souvent une partie des nuits, il vécut longtemps
pour l’art sans que son cœur éprouvât le besoin de s’attacher à un autre
cœur. 11 soulageait volontiers l’infortune, il faisait autour de lui d’abon-
dantes libéralités, il aimait quelques amis et plus que personne son fidèle
serviteur Urbino, mais il n’avait pas encore aimé d’amour lorsque, dans
un âge déjà avancé, il rencontra une femme célèbre, belle et admirée,
qui lui inspira une passion profonde, pour laquelle il composa la plus
grande partie de ses sonnets et de ses madrigaux.

Yittoria Colonna, dont le nom est désormais inséparable du nom de
son platonique ami, avait épousé très-jeune François d’Avalos, marquis
de Pescara, brillant et heureux général qui mourut de ses blessures après
la bataille de Pavie. Elle aimait son mari, elle était poète, et quand elle
devint veuve, elle chanta sa douleur en vers pleins d’amour. Son infor-
tune, la renommée de son talent, la lecture de quelques-unes de ses

vers un choix des plus beaux sonnets. Malheureusement, avant la belle édition de
M. César Guasti, publiée en 1863, les traducteurs français n’ont jamais eu sous les yeux
qu’un texte défiguré par les ornements que s’est permis d’v ajouter, par les suppres-
sions que s’est permis d’v faire le neveu de Michel-Ange. Un bon tiers des vers qu’on
avait attribués à Michel-Ange, pendant plus de deux siècles, ne lui appartiennent pas
et sont l’œuvre de son premier éditeur.
 
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