RUBENS.
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M. de Baugy, ambassadeur de France. « Le peintre Rubens est en ceste
ville. L’Infante lu y a commandé de tirer le pouriraict du prince de
Pologne1. » Ce prince, c’était Ladislas, fds aîné de Sigismond III. Le por-
trait du roi futur fut immédiatement gravé par Paul Pondus. Et, à ce
propos, il est curieux peut-être de rechercher si c’est parce qu’il s’inté-
resse aux questions d’art que M. de Baugv fait savoir à son ministre que
Rubens est à Bruxelles. Non, la peinture est le moindre des soucis de l’am-
bassadeur : il surveille Rubens, parce que l’artiste le gêne dans son œuvre
diplomatique. L’Infante souriait au projet d’une trêve avec la Hollande,
et Rubens pensait sur ce point comme sa souveraine. Il était secrètement
dans les négociations entamées avec le prince d’Orange. De là l’ennui
qu’éprouvait l’ambassadeur de France et son ironie, car après avoir dit
que Rubens fait le portrait du prince de Pologne, il ajoute « en quoy
j’estime qu’il rencontrera mieux qu’en la négociation de trefve, à quoy il
ne peut donner que des couleurs et ombrages superficiels ». Ce détail et
d’autres encore qu’on trouvera dans le livre de M. Gachard ne sont pas
inutiles à noter : dès J 62h, et même avant, Rubens est un politique.
Au milieu de tous ces tracas, la galerie du Luxembourg n’avait pas
été perdue de vue : elle s’achevait. Rubens songe à venir à Paris : le
12 décembre, il écrit à Valavès, frère de Peiresc : « J’espère être tout prêt
dedans six semaines, moyennant la grâce divine, pour venir à tout mon
voyage... J’espère d’arriver à temps pour voir les fêtes des nopces
royales qui, vraisemblablement, se feront au carnaval prochain ». Ces
noces royales, dont il est si souvent question dans les lettres de Malherbe,
c’étaient celles qu’une diplomatie savante avait préparées entre Henriette
de France, sœur de Louis XIII, et le prince qui allait devenir Charles 1er.
Elles devaient être célébrées par des fêtes splendides, et il était bon que
le palais du Luxembourg se montrât alors paré de ses Rubens.
Claude Maugis avait prié le maître de se bâter et de se trouver à
Paris du 2 au h février 1625. Nous ne savons pas quel jour Rubens
partit pour la France; peut-être se fit-il attendre quelque peu. De tristes
soins le retinrent à Anvers pendant presque tout le mois de janvier. Le
plus cher de ses amis, son collaborateur Brueghel de Velours, mourut le
13, et Rubens dut passer plus d’une heure douloureuse dans cette maison
tragique, où la mort était entrée quatre fois en vingt jours, car avec le
père de famille elle avait enlevé trois enfants, Pierre, Isabelle et Marie 2.
Cette brusque disparition de Jean Brueghel imposait à Rubens de grands
R Gachard. Histoire politique de Rubens, 1877, p. 26.
2. Voir, dans le volume deCrivelli, la lettre de Jean Brueghel le fils, p. 340. La
femme de Rubens avait été la marraine delà petite Marie.
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M. de Baugy, ambassadeur de France. « Le peintre Rubens est en ceste
ville. L’Infante lu y a commandé de tirer le pouriraict du prince de
Pologne1. » Ce prince, c’était Ladislas, fds aîné de Sigismond III. Le por-
trait du roi futur fut immédiatement gravé par Paul Pondus. Et, à ce
propos, il est curieux peut-être de rechercher si c’est parce qu’il s’inté-
resse aux questions d’art que M. de Baugv fait savoir à son ministre que
Rubens est à Bruxelles. Non, la peinture est le moindre des soucis de l’am-
bassadeur : il surveille Rubens, parce que l’artiste le gêne dans son œuvre
diplomatique. L’Infante souriait au projet d’une trêve avec la Hollande,
et Rubens pensait sur ce point comme sa souveraine. Il était secrètement
dans les négociations entamées avec le prince d’Orange. De là l’ennui
qu’éprouvait l’ambassadeur de France et son ironie, car après avoir dit
que Rubens fait le portrait du prince de Pologne, il ajoute « en quoy
j’estime qu’il rencontrera mieux qu’en la négociation de trefve, à quoy il
ne peut donner que des couleurs et ombrages superficiels ». Ce détail et
d’autres encore qu’on trouvera dans le livre de M. Gachard ne sont pas
inutiles à noter : dès J 62h, et même avant, Rubens est un politique.
Au milieu de tous ces tracas, la galerie du Luxembourg n’avait pas
été perdue de vue : elle s’achevait. Rubens songe à venir à Paris : le
12 décembre, il écrit à Valavès, frère de Peiresc : « J’espère être tout prêt
dedans six semaines, moyennant la grâce divine, pour venir à tout mon
voyage... J’espère d’arriver à temps pour voir les fêtes des nopces
royales qui, vraisemblablement, se feront au carnaval prochain ». Ces
noces royales, dont il est si souvent question dans les lettres de Malherbe,
c’étaient celles qu’une diplomatie savante avait préparées entre Henriette
de France, sœur de Louis XIII, et le prince qui allait devenir Charles 1er.
Elles devaient être célébrées par des fêtes splendides, et il était bon que
le palais du Luxembourg se montrât alors paré de ses Rubens.
Claude Maugis avait prié le maître de se bâter et de se trouver à
Paris du 2 au h février 1625. Nous ne savons pas quel jour Rubens
partit pour la France; peut-être se fit-il attendre quelque peu. De tristes
soins le retinrent à Anvers pendant presque tout le mois de janvier. Le
plus cher de ses amis, son collaborateur Brueghel de Velours, mourut le
13, et Rubens dut passer plus d’une heure douloureuse dans cette maison
tragique, où la mort était entrée quatre fois en vingt jours, car avec le
père de famille elle avait enlevé trois enfants, Pierre, Isabelle et Marie 2.
Cette brusque disparition de Jean Brueghel imposait à Rubens de grands
R Gachard. Histoire politique de Rubens, 1877, p. 26.
2. Voir, dans le volume deCrivelli, la lettre de Jean Brueghel le fils, p. 340. La
femme de Rubens avait été la marraine delà petite Marie.