LE BUSTE DE PIERRE MIGNARD.
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frères au moment de son exécution et ne se seraient pas laissé tromper.
Enfin, des deux bustes, que nous comparerons bientôt, celui de Desjar-
dins étant le plus beau, il est naturel de penser que la donatrice aura
voulu perpétuer, à l’aide de celui-ci, le souvenir de son père dans le
milieu le plus intelligent et le plus artiste de Paris.
La confusion entre les deux bustes est née d'une interprétation trop
rigoureuse donnée à la sentence du Châtelet intervenue entre les héritiers
de Mignard le 20 juillet 1696, et dont les effets ne se sont pas prolongés
indéfiniment. Cette sentence disait bien qu’ « il sera fait une épitaphe con-
venable au lieu où ledit deffunt sieur Mignard a esté enterré, à laquelle
épitaphe le buste qui a esté donné à la partye cTRarault (Catherine Mi-
gnard, comtesse de Feuquières) sera mis dessus1. » Mais on aurait dû
tenir compte des circonstances qui sont venues modifier postérieurement
les conséquences de l’arrêt du Châtelet. Caylus, en effet (Vie des pre-
miers peintres du Roi, tome Ier, p. 167), s’est exprimé ainsi en parlant
de Mme de Feuquières et du mausolée qu’elle érigea à son père :« Enfin,
ayant choisi pour sa propre sépulture l’église des Jacobins de la rue
Saint-Honoré, elle avoit commencé à y faire élever, dès son vivant, un
tombeau de marbre et de bronze qui devoit leur être commun ; et
ce monument ne pouvoit être exécuté avec plus d’intelligence et de
talent qu’il l’a été par M. Jean-Baptiste Le Moine, professeur de cette
académie. Il a surtout fidèlement rendu les sentiments de respect,
d’amour et de reconnaissance avec lesquels elle a voulu que la postérité
la vît prosternée devant le buste de son père; qui est de la main de
Girardon. »
Le portrait de Mignard employé au tombeau de l’église des Jacobins
était l’œuvre de Girardon. Caylus, en écrivant ceci, était parfaitement
renseigné. Il tenait évidemment ses informations de son confrère Le-
moyne, qui lui-même les avait reçues de la famille et avait pu les con-
trôler en maniant la sculpture appréciée par lui. Nous avons vu tout à
l’heure que Caylus connaissait l’autre buste ; son opinion était donc cri-
tique et raisonnée. Il n’y a donc pas lieu de se fier à l’affirmation de
Piganiol qui, dans sa Description de Paris (t. II, p. A38), attribue à
Desjardins le buste de Mignard, placé dans l’église des Jacobins.
Même cas à faire de ceux qui l’ont copié. (Heurtaut et Magnv, Descrip-
tion de Paris, tome III, p. 300; — Millin, Antiquités nationales}
t. Ier (Couvent des Jacobins), p. hh. N° iv, pi. l\). Les rapports entre
1. Nouvelles archives de l'Art français, 1875, p. 122.
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frères au moment de son exécution et ne se seraient pas laissé tromper.
Enfin, des deux bustes, que nous comparerons bientôt, celui de Desjar-
dins étant le plus beau, il est naturel de penser que la donatrice aura
voulu perpétuer, à l’aide de celui-ci, le souvenir de son père dans le
milieu le plus intelligent et le plus artiste de Paris.
La confusion entre les deux bustes est née d'une interprétation trop
rigoureuse donnée à la sentence du Châtelet intervenue entre les héritiers
de Mignard le 20 juillet 1696, et dont les effets ne se sont pas prolongés
indéfiniment. Cette sentence disait bien qu’ « il sera fait une épitaphe con-
venable au lieu où ledit deffunt sieur Mignard a esté enterré, à laquelle
épitaphe le buste qui a esté donné à la partye cTRarault (Catherine Mi-
gnard, comtesse de Feuquières) sera mis dessus1. » Mais on aurait dû
tenir compte des circonstances qui sont venues modifier postérieurement
les conséquences de l’arrêt du Châtelet. Caylus, en effet (Vie des pre-
miers peintres du Roi, tome Ier, p. 167), s’est exprimé ainsi en parlant
de Mme de Feuquières et du mausolée qu’elle érigea à son père :« Enfin,
ayant choisi pour sa propre sépulture l’église des Jacobins de la rue
Saint-Honoré, elle avoit commencé à y faire élever, dès son vivant, un
tombeau de marbre et de bronze qui devoit leur être commun ; et
ce monument ne pouvoit être exécuté avec plus d’intelligence et de
talent qu’il l’a été par M. Jean-Baptiste Le Moine, professeur de cette
académie. Il a surtout fidèlement rendu les sentiments de respect,
d’amour et de reconnaissance avec lesquels elle a voulu que la postérité
la vît prosternée devant le buste de son père; qui est de la main de
Girardon. »
Le portrait de Mignard employé au tombeau de l’église des Jacobins
était l’œuvre de Girardon. Caylus, en écrivant ceci, était parfaitement
renseigné. Il tenait évidemment ses informations de son confrère Le-
moyne, qui lui-même les avait reçues de la famille et avait pu les con-
trôler en maniant la sculpture appréciée par lui. Nous avons vu tout à
l’heure que Caylus connaissait l’autre buste ; son opinion était donc cri-
tique et raisonnée. Il n’y a donc pas lieu de se fier à l’affirmation de
Piganiol qui, dans sa Description de Paris (t. II, p. A38), attribue à
Desjardins le buste de Mignard, placé dans l’église des Jacobins.
Même cas à faire de ceux qui l’ont copié. (Heurtaut et Magnv, Descrip-
tion de Paris, tome III, p. 300; — Millin, Antiquités nationales}
t. Ier (Couvent des Jacobins), p. hh. N° iv, pi. l\). Les rapports entre
1. Nouvelles archives de l'Art français, 1875, p. 122.