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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
tides do l’Érechtéion. Chez ceux qui ont passé de longues heures sur l’Acropole,
cette page, toute chaude d’enthousiasme évoquera de radieux souvenirs; à ceux qui
n’y sont point allés elle donnera une sensation plus vivante de l’œuvre, parce qu’elle
la replace en son milieu, sous le charme de cette lumière qui, dans le rêve de l’ar-
tiste, devait éternellement l’envelopper.
Une course rapide à travers l’ouvrage montrera mieux encore quelles en sont les
richesses et comment elles sont disposées. L’art égyptien occupe, dans le premier
volume, onze planches dont M. Maspero a écrit les notices et, en ce peu de pages, il a
su faire un cours plein de vues fines, non seulement sur l’art, mais sur les croyances
et la civilisation de l’Égypte. Rien n’est plus ingénieux que la façon dont il explique
par des préoccupations religieuses l’exactitude toute réaliste avec laquelle les artistes
reproduisaient les traits de leur modèle, la fidélité de la copie étant un devoir pieux
vis-à-vis du mort, dont on assurait ainsi l’existence future. Le savant cicerone ne
pèche point lui-même par trop d’indulgence envers ceux dont il nous présente les
images, et il ne perd jamais l’occasion de s’égayer à leurs dépens, tout en esquissant
leur biographie. Pourtant la beauté vraie trouve grâce devant lui, et c’est avec un juste
respect qu’il parle de cette admirable tête du pharaon Harmhabi, dont la reproduction
mérite d’être citée comme la mieux réussie de la série égyptienne, tant le jeu des
lumières et des ombres y est habilement ménagé.
Pourquoi l’art assyrien n’a-t-il point trouvé place à côté de l’art égyptien ? Quel-
ques planches nous ont été dérobées ici qui nous étaient promises et qui, de la Chal-
dée et de l’Assyrie, nous auraient conduits à la Grèce par l’Asie Mineure, la Phénicie
et Chypre. Même en abordant l’art hellénique, n’aurait-on pu nous le montrer d’abord
dans quelques-unes de ses œuvres les plus rudimentaires, afin de faire mieux juger
ce qu’il fut à ses origines et avec quel éclat il s’est rapidement développé?
AIais nous sommes en Grèce, et une première série do reproductions est consacrée
aux écoles dites archaïques. M. Ravet nous avait prévenus dès l’introduction : « La
rude et gauche naïveté des maîtres primitifs n’a rien qui nous effarouche, l'habileté
banale des artistes de la décadence nous ennuie. » Voilà qui est bien parlé,
encore que ceux qui verront ces planches trouveront sans doute que les maîtres pri-
mitifs ne sont ni si rudes ni si gauches. M. Ravet le sait mieux que personne; il
n’en médit un peu que par sage politique et afin qu’on soit encore plus surpris de les
trouver si forts. Ils ont le sentiment de la beauté saine des corps, que la gymnastique
fortifie et assouplit sans les déformer; ils en rendent les formes précises et fermes,
mais parfois aussi ils expriment avec un égal bonheur la grâce féminine. Déjà, dans
la stèle de Pliarsale, dans les bas-reliefs de la face ouest du tombeau de Xanlhus, ces
qualités éclatent, et les personnes les plus étrangères à l’histoire de l’art antique sont
frappées de la finesse et de l’élégance des figures qui s’v trouvent.
On ne se plaindra donc pas, j’en suis sûr, que l’auteur ait fait une part trop large
à ces premiers siècles de l’art grec; bien plutôt réclamerait-on de nouvelles planches.
S’il faut exprimer encore quelques légers regrets, je trouve que M. Ravet, arrivant
au plein épanouissement de la sculpture, a craint, peut-être à tort, de reproduire des
œuvres trop connues : delà, le peu de place accordée à l’école de Phidias, tandis qu’il
en attribue plus à celle de Praxitèle. 11 a beau glorifier l’un et ne parler de l’autre
qu’avec plus de réserve, j’aurais voulu qu’il honorât le maître des maîtres par un
nombre de planches proportionné à la piété qu’il lui exprime, et qu’il nous donnât
aussi quelques monuments plus nombreux de la sculpture attique après Phidias.
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
tides do l’Érechtéion. Chez ceux qui ont passé de longues heures sur l’Acropole,
cette page, toute chaude d’enthousiasme évoquera de radieux souvenirs; à ceux qui
n’y sont point allés elle donnera une sensation plus vivante de l’œuvre, parce qu’elle
la replace en son milieu, sous le charme de cette lumière qui, dans le rêve de l’ar-
tiste, devait éternellement l’envelopper.
Une course rapide à travers l’ouvrage montrera mieux encore quelles en sont les
richesses et comment elles sont disposées. L’art égyptien occupe, dans le premier
volume, onze planches dont M. Maspero a écrit les notices et, en ce peu de pages, il a
su faire un cours plein de vues fines, non seulement sur l’art, mais sur les croyances
et la civilisation de l’Égypte. Rien n’est plus ingénieux que la façon dont il explique
par des préoccupations religieuses l’exactitude toute réaliste avec laquelle les artistes
reproduisaient les traits de leur modèle, la fidélité de la copie étant un devoir pieux
vis-à-vis du mort, dont on assurait ainsi l’existence future. Le savant cicerone ne
pèche point lui-même par trop d’indulgence envers ceux dont il nous présente les
images, et il ne perd jamais l’occasion de s’égayer à leurs dépens, tout en esquissant
leur biographie. Pourtant la beauté vraie trouve grâce devant lui, et c’est avec un juste
respect qu’il parle de cette admirable tête du pharaon Harmhabi, dont la reproduction
mérite d’être citée comme la mieux réussie de la série égyptienne, tant le jeu des
lumières et des ombres y est habilement ménagé.
Pourquoi l’art assyrien n’a-t-il point trouvé place à côté de l’art égyptien ? Quel-
ques planches nous ont été dérobées ici qui nous étaient promises et qui, de la Chal-
dée et de l’Assyrie, nous auraient conduits à la Grèce par l’Asie Mineure, la Phénicie
et Chypre. Même en abordant l’art hellénique, n’aurait-on pu nous le montrer d’abord
dans quelques-unes de ses œuvres les plus rudimentaires, afin de faire mieux juger
ce qu’il fut à ses origines et avec quel éclat il s’est rapidement développé?
AIais nous sommes en Grèce, et une première série do reproductions est consacrée
aux écoles dites archaïques. M. Ravet nous avait prévenus dès l’introduction : « La
rude et gauche naïveté des maîtres primitifs n’a rien qui nous effarouche, l'habileté
banale des artistes de la décadence nous ennuie. » Voilà qui est bien parlé,
encore que ceux qui verront ces planches trouveront sans doute que les maîtres pri-
mitifs ne sont ni si rudes ni si gauches. M. Ravet le sait mieux que personne; il
n’en médit un peu que par sage politique et afin qu’on soit encore plus surpris de les
trouver si forts. Ils ont le sentiment de la beauté saine des corps, que la gymnastique
fortifie et assouplit sans les déformer; ils en rendent les formes précises et fermes,
mais parfois aussi ils expriment avec un égal bonheur la grâce féminine. Déjà, dans
la stèle de Pliarsale, dans les bas-reliefs de la face ouest du tombeau de Xanlhus, ces
qualités éclatent, et les personnes les plus étrangères à l’histoire de l’art antique sont
frappées de la finesse et de l’élégance des figures qui s’v trouvent.
On ne se plaindra donc pas, j’en suis sûr, que l’auteur ait fait une part trop large
à ces premiers siècles de l’art grec; bien plutôt réclamerait-on de nouvelles planches.
S’il faut exprimer encore quelques légers regrets, je trouve que M. Ravet, arrivant
au plein épanouissement de la sculpture, a craint, peut-être à tort, de reproduire des
œuvres trop connues : delà, le peu de place accordée à l’école de Phidias, tandis qu’il
en attribue plus à celle de Praxitèle. 11 a beau glorifier l’un et ne parler de l’autre
qu’avec plus de réserve, j’aurais voulu qu’il honorât le maître des maîtres par un
nombre de planches proportionné à la piété qu’il lui exprime, et qu’il nous donnât
aussi quelques monuments plus nombreux de la sculpture attique après Phidias.