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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de l’inventaire de 1730, Rubens a travaillé pour François de la Flanche,
au compte du trésor royal, que les modèles représentaient Y Histoire de
Constantin, et que l’exécution de ces cartons est antérieure à 1626,
puisque c’est dans une lettre du 26 février que le maître raconte avec
mélancolie que son travail ne lui est pas encore complètement payé.
Du côté de la France, Rubens avait bien d’autres ennuis. Nous tou-
chons ici à la seule mésaventure de sa vie, aux événements qui l’empê-
chèrent d’accomplir une des grandes œuvres que caressait son rêve.
Dans ses lettres de 1626 à 1630, Rubens parle à diverses reprises du projet
qu’il a en tête et des fatalités qui en retardent l’exécution. Nous grou-
perons tous les faits relatifs à cette histoire, fâcheuse puisqu’elle a con-
tristé un galant homme, et lamentable puisqu’elle a privé Paris d’une
décoration attendue.
Lorsque Rubens revint à Anvers, le 12 juin 1625, il rapportait une
espérance. Le palais du Luxembourg comportait deux galeries et toutes
deux devaient recevoir des peintures : dans la première, l’artiste avait
raconté les aventures principales de Marie de Médicis; mais ce n’était là
que la moitié du travail. Lors de ses entretiens avec la reine mère et
avec son aumônier l’abbé de Saint-Ambroise, il avait été convenu que
Rubens peindrait la seconde galerie. Sans doute, la reine hésitait sur le
choix du sujet, elle voulait réfléchir encore; mais un engagement moral
avait été pris. Ce noble travail était promis au maître ilamand et lui seul
le pouvait bien faire.
Rubens attendait. Claude Maugis, abbé de Saint-Ambroise, commença
par garder le silence. Un homme qui n’écrit pas est un homme menaçant.
Dans les confidences intimes qu’il adresse à ses amis, Rubens se plaint
d’être oublié. On pensait à lui cependant, et de mauvaises nouvelles
étaient en chemin. « Vous m’étonnez, écrit-il à Valavès le J 2 février 1626,
en m’apprenant que le Cardinal veut avoir deux tableaux de ma main.
Cela ne concorde pas avec ce que me mande l’ambassadeur de Flandre,
car, d’après lui, les peintures de la seconde galerie de la reine seraient,
non ostante il contralto mio, confiées à un peintre italien. » Rubens
ajoute, il est vrai, que la chose n’est pas très sûre; l’ambassadeur l’a
seulement entendu dire. La rumeur était inquiétante. 11 y avait là, comme
les événements le prouvèrent, le commencement d’une intrigue, le pre-
mier signe d’une mauvaise volonté. Nous avons toujours eu cette pensée
que Richelieu n’a jamais beaucoup aimé Rubens. S’il lui demandait des
peintures, c’était par pure courtoisie. Sur le terrain diplomatique, les
deux grands hommes ne marchaient pas d’accord. Ils servaient des causes
opposées. Rubens entretenait de bonnes relations avec l’Angleterre, qui,
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
de l’inventaire de 1730, Rubens a travaillé pour François de la Flanche,
au compte du trésor royal, que les modèles représentaient Y Histoire de
Constantin, et que l’exécution de ces cartons est antérieure à 1626,
puisque c’est dans une lettre du 26 février que le maître raconte avec
mélancolie que son travail ne lui est pas encore complètement payé.
Du côté de la France, Rubens avait bien d’autres ennuis. Nous tou-
chons ici à la seule mésaventure de sa vie, aux événements qui l’empê-
chèrent d’accomplir une des grandes œuvres que caressait son rêve.
Dans ses lettres de 1626 à 1630, Rubens parle à diverses reprises du projet
qu’il a en tête et des fatalités qui en retardent l’exécution. Nous grou-
perons tous les faits relatifs à cette histoire, fâcheuse puisqu’elle a con-
tristé un galant homme, et lamentable puisqu’elle a privé Paris d’une
décoration attendue.
Lorsque Rubens revint à Anvers, le 12 juin 1625, il rapportait une
espérance. Le palais du Luxembourg comportait deux galeries et toutes
deux devaient recevoir des peintures : dans la première, l’artiste avait
raconté les aventures principales de Marie de Médicis; mais ce n’était là
que la moitié du travail. Lors de ses entretiens avec la reine mère et
avec son aumônier l’abbé de Saint-Ambroise, il avait été convenu que
Rubens peindrait la seconde galerie. Sans doute, la reine hésitait sur le
choix du sujet, elle voulait réfléchir encore; mais un engagement moral
avait été pris. Ce noble travail était promis au maître ilamand et lui seul
le pouvait bien faire.
Rubens attendait. Claude Maugis, abbé de Saint-Ambroise, commença
par garder le silence. Un homme qui n’écrit pas est un homme menaçant.
Dans les confidences intimes qu’il adresse à ses amis, Rubens se plaint
d’être oublié. On pensait à lui cependant, et de mauvaises nouvelles
étaient en chemin. « Vous m’étonnez, écrit-il à Valavès le J 2 février 1626,
en m’apprenant que le Cardinal veut avoir deux tableaux de ma main.
Cela ne concorde pas avec ce que me mande l’ambassadeur de Flandre,
car, d’après lui, les peintures de la seconde galerie de la reine seraient,
non ostante il contralto mio, confiées à un peintre italien. » Rubens
ajoute, il est vrai, que la chose n’est pas très sûre; l’ambassadeur l’a
seulement entendu dire. La rumeur était inquiétante. 11 y avait là, comme
les événements le prouvèrent, le commencement d’une intrigue, le pre-
mier signe d’une mauvaise volonté. Nous avons toujours eu cette pensée
que Richelieu n’a jamais beaucoup aimé Rubens. S’il lui demandait des
peintures, c’était par pure courtoisie. Sur le terrain diplomatique, les
deux grands hommes ne marchaient pas d’accord. Ils servaient des causes
opposées. Rubens entretenait de bonnes relations avec l’Angleterre, qui,