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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 3
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Michel, André: Exposition des dessins du siècle, 1
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0241

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228 GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

ordinairement silencieux — entrant le lendemain dans l’atelier, tout ému
encore et frémissant : « Oh, mes amis, quelle belle tête il a! C’est pur !
c’est grand! c’est beau comme l’antique. Le connaissez-vous, l’avez-vous
vu? » et comme tous s’écrient : « Non ! non ! monsieur! » David monte sur
la table à modèle : « Attendez ! attendez! vous allez voir ce que c’est que
ce profil-là », et dessine au crayon blanc, sur la muraille, le profil de
Bonaparte.

C’est parce qu’il a eu devant quelques-uns de ses modèles de ces
ardeurs de sympathie ou d’admiration que David nous a laissé des por-
traits qu’aucun de ses successeurs n’a dépassés ni même égalés.

Ses élèves Gérard, Guérin, Gros sont à peine représentés à cette ex-
position. 11 faut noter pourtant un dessin à la plume de Gros, première
pensée de la Bataille cVEylau, largement indiquée à grands traits et où
se fait sentir déjà l’accent épique.

L’enseignement de David n’était pas fait pour développer l’individua-
lité, source unique de tout art vivant. 11 est même permis de penser
qu’il en contraria ou en retarda l’expansion. Mais avant que l’idéal nou-
veau, pressenti par Gros, se fût formulé en des œuvres persuasives et
eût éclaté avec ses ardeurs de révolte, un rêveur, assez obscur alors et
malheureux, conservait le trésor de l’inspiration personnelle et ménageait
la transition entre le xvme siècle et la peinture moderne.

Prud’hon, en effet, c’est encore le xviii0 siècle, et c’est déjà l’art mo-
derne avec sa poésie mélancolique et son charme troublant. Il a, du
xvme siècle, le sentiment et la recherche de la grâce ; il conserve la tra-
dition des petits amours ailés, mais jusque dans ses sourires une vague
tristesse se mêle, fruit de la dure et récente expérience. On sait trop
désormais que la vie n’est pas une fête, un amusement sans fin ; on a vu
les rouges réveils de tous ces carnavals roses; la grande affaire n’est plus
de se divertir, et si le peintre vient encore évoquer ses visions amies
d’autrefois, c’est comme des consolatrices. On dirait qu’il essaye d’oublier
avec elles, et leur triste sourire semble indiquer qu’elles ont éprouvé, elles
aussi, la vanité de leurs mensonges et l’inutilité de leur gracieux génie.
Mais quand on ne leur devrait qu’une heure d’apaisement, elles sont les
bienvenues ; et son crayon léger les fait apparaître sur la feuille de papier
gris bleuté et les enlace doucement dans ses contours flottants; on les
voit arriver fidèles, à travers un brouillard transparent, à l’appel du
rêveur solitaire.

Et comme on ne saurait emprisonner dans les contours rigides où
David avait prétendu enserrer la beauté et le style ces apparitions fugi-
tives, Prud’hon, sans penser à mal, se fait un dessin à son usage : moins
 
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