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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
reparti que comme on avait proposé cela l'on lui avait posé un inconvénient,
qui est que, peut-être dans la suite du temps, quelqu’un demanderait à être
mis au lieu où est à présent le poêle1 de M. le cardinal, et que peut-être
Messieurs de Sorbonne ne pourraient pas refuser cela, quoique l’église en-
tière soit de la fondation de S. E.; que, d’autre part, on trouverait à redire
qu’on eût déplacé le Saint-Sacrement pour y mettre la figure de M. le cardi-
nal. Il a répondu à la première objection, qu’on pourrait laisser, où est le
poêle, une tombe qui occuperait la place et empêcherait que l’on ne pût la
donner à d’autres, et à l’autre objection qu’il y avait plus d’inconvénient de
faire une grande sépulture qui occuperait une place2 telle que de sorte que
ceux qui viendraient faire leurs prières, au lieu de voir l’autre, ne verraient
que le dos de la figure de M. le cardinal; que, si au contraire l’on faisait cette
sépulture petite, elle serait indigne d’un si grand homme. Elle a reparti que
pourvu que l’exécution en fût excellente, et du génie et de la conduite du
Cavalier, elle serait toujours grande et belle. Il a répliqué que si la gran-
deur n’était dans le général de l’ouvrage, le particulier était peu; qu’il reve-
nait toujours à dire qu’il fallait mettre la sépulture dans le fond, ou à une
des ailes, et l’autel au milieu de la coupe; qu’ainsi faisant, le général et le
particulier s’y pourraient trouver, mais qu’elle serait plus convenablement
dans le fond; que si elle prétendait faire un ouvrage où l’on ne trouvât point
à redire et qui fût au gré de tout le monde, elle serait en cela plus heureuse
que personne n’a jamais été. Tout cela ne satisfaisait point Mme d’Aiguillon,
qui désapprouvait absolument de mettre la sépulture dans l’aile, pour ce,
disait-elle, que M. le cardinal avait choisi le lieu où il était, en prenait à
témoin partie des docteurs qui étaient là présents, et il était aisé de juger
qu’elle eût bien voulu faire une grande chose mais à peu de frais. Le Cava-
lier qui a pénétré son intention, a dit qu’il n’était pas venu pour disputer,
mais pour dire son sentiment, qu’il l’avait déjà déclaré et le répétait, et ne
pouvait faire autre chose.
L’abbé Butti a ajouté que mettant l’autel sous la coupe, le tenant bas,
l'on pourrait voir la sépulture par-dessus, qu’il avait un dessin du Cavalier
fait pour une semblable occasion, qu’il l’enverrait à Mme d’Aiguillon pour le
voir. Tous les docteurs qui étaient là ont témoigné qu’il y serait convenable-
ment placé, et enfin on s’est remis à voir ce dessein. Après qu’elle a été par-
tie pour s’en aller, les docteurs ont prié le Cavalier de voir leur bibliothèque
qui est grande et magnifique. Il leur a dit, ayant entendu sonner midi, qu’il
verrait plus volontiers le réfectoire. Quelqu’un d’eux a répondu qu’il ne leur
était pas permis de convier personne à dîner ; ce que lui ayant fait en-
tendre, il a monté en carrosse en leur disant : questa dunque è una casa cia
faggia3, et nous sommes venus à l’hôtel Mazarin dîner.
Après le dîner le Cavalier a fait allumer du feu et a lu l’écrit qu’il a fait
pour l’Académie, l’a mis en main de l’abbé Butti pour le voir et le mettre
en ordre, a-t-il dit. S’étant chauffé avant que de s’aller reposer, il m’a prié
1. Le drap mortuaire qui avait recouvert le cercueil du cardinal et qui probablement
marquait l’endroit du pavé de l’église sous lequel reposait le corps.
2. Qui occuperait une place telle que...
3. « Cette maison est donc une maison à fuir. »
GAZETTE DES BEAUX-ARTS.
reparti que comme on avait proposé cela l'on lui avait posé un inconvénient,
qui est que, peut-être dans la suite du temps, quelqu’un demanderait à être
mis au lieu où est à présent le poêle1 de M. le cardinal, et que peut-être
Messieurs de Sorbonne ne pourraient pas refuser cela, quoique l’église en-
tière soit de la fondation de S. E.; que, d’autre part, on trouverait à redire
qu’on eût déplacé le Saint-Sacrement pour y mettre la figure de M. le cardi-
nal. Il a répondu à la première objection, qu’on pourrait laisser, où est le
poêle, une tombe qui occuperait la place et empêcherait que l’on ne pût la
donner à d’autres, et à l’autre objection qu’il y avait plus d’inconvénient de
faire une grande sépulture qui occuperait une place2 telle que de sorte que
ceux qui viendraient faire leurs prières, au lieu de voir l’autre, ne verraient
que le dos de la figure de M. le cardinal; que, si au contraire l’on faisait cette
sépulture petite, elle serait indigne d’un si grand homme. Elle a reparti que
pourvu que l’exécution en fût excellente, et du génie et de la conduite du
Cavalier, elle serait toujours grande et belle. Il a répliqué que si la gran-
deur n’était dans le général de l’ouvrage, le particulier était peu; qu’il reve-
nait toujours à dire qu’il fallait mettre la sépulture dans le fond, ou à une
des ailes, et l’autel au milieu de la coupe; qu’ainsi faisant, le général et le
particulier s’y pourraient trouver, mais qu’elle serait plus convenablement
dans le fond; que si elle prétendait faire un ouvrage où l’on ne trouvât point
à redire et qui fût au gré de tout le monde, elle serait en cela plus heureuse
que personne n’a jamais été. Tout cela ne satisfaisait point Mme d’Aiguillon,
qui désapprouvait absolument de mettre la sépulture dans l’aile, pour ce,
disait-elle, que M. le cardinal avait choisi le lieu où il était, en prenait à
témoin partie des docteurs qui étaient là présents, et il était aisé de juger
qu’elle eût bien voulu faire une grande chose mais à peu de frais. Le Cava-
lier qui a pénétré son intention, a dit qu’il n’était pas venu pour disputer,
mais pour dire son sentiment, qu’il l’avait déjà déclaré et le répétait, et ne
pouvait faire autre chose.
L’abbé Butti a ajouté que mettant l’autel sous la coupe, le tenant bas,
l'on pourrait voir la sépulture par-dessus, qu’il avait un dessin du Cavalier
fait pour une semblable occasion, qu’il l’enverrait à Mme d’Aiguillon pour le
voir. Tous les docteurs qui étaient là ont témoigné qu’il y serait convenable-
ment placé, et enfin on s’est remis à voir ce dessein. Après qu’elle a été par-
tie pour s’en aller, les docteurs ont prié le Cavalier de voir leur bibliothèque
qui est grande et magnifique. Il leur a dit, ayant entendu sonner midi, qu’il
verrait plus volontiers le réfectoire. Quelqu’un d’eux a répondu qu’il ne leur
était pas permis de convier personne à dîner ; ce que lui ayant fait en-
tendre, il a monté en carrosse en leur disant : questa dunque è una casa cia
faggia3, et nous sommes venus à l’hôtel Mazarin dîner.
Après le dîner le Cavalier a fait allumer du feu et a lu l’écrit qu’il a fait
pour l’Académie, l’a mis en main de l’abbé Butti pour le voir et le mettre
en ordre, a-t-il dit. S’étant chauffé avant que de s’aller reposer, il m’a prié
1. Le drap mortuaire qui avait recouvert le cercueil du cardinal et qui probablement
marquait l’endroit du pavé de l’église sous lequel reposait le corps.
2. Qui occuperait une place telle que...
3. « Cette maison est donc une maison à fuir. »