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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 3
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Gilbert, Paul: Exposition des aquarellistes
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0284

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GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

drecht, les moulins aux ailes tournantes, les arbres aux frondaisons vigoureuses, les
vases de cuivre éblouissant. Son pinceau manque d’éclat quand il lui faut reproduire
l’aspect de ce merveilleux paysage. Nous en avons rapporté un souvenir plus coloré ;
les tons y sont plus gais, les verdures plus intenses; il semble que, sur la Hollande de
M. Delort, une couche de poussière grise se soit abattue, et Ilobbema ne reconnaîtrait
pas son pays dans cette peinture évidemment faite dans l’atelier, avec des souvenirs
amoindris et éteints.

M. Maxime Claude est plus exact. Il a tout à fait le sentiment anglais; nul aussi
bien que lui ne reproduit l’aspect de Londres, la physionomie des maisons, la désin-
volture des cavaliers et des jeunes misses qui vont, avant l’heure du lunch, faire leur
promenade à ILyde-Park.

Un peintre plein de courage et de franchise, c’est M. Duez. Qu’il cherche la fan-
taisie du décor ou la sincérité du paysage, son idéal est bien moderne. L’année der-
nière déjà, nous avons dit ce que nous pensons de ce sympathique artiste et nous
avons admiré, entre autres choses, un éventail aux teintes sombres, une branche d’iris
sur le fond d’une nuit étoilée. Celte fois, M. Duez expose deux éventails tout diffé-
rents : tiges de pavots et de géraniums rouges, jetées avec un élégant caprice sur les
lointains d’une mer grise. Ses paysages sont empreints de la même franchise d’exé-
cution ; ici le procédé large et spontané diffère essentiellement de la petite manière
des imitateurs de Leloir. La coloration est loin d’v perdre; les tons frais, posés du
premier coup, ne sont ni retouchés ni salis par des superpositions malencontreuses.
De là cette fleur d’impression : il semble que M. Duez n’a pas étudié inutilement les
kakémonos japonais.

M. Harpignies qui, par le style, ressemble si peu à M. Duez, a, lui aussi, l’exécu-
tion large et décidée. Sa manière est franche; elle tire sa force d’une grande rigueur
dans le dessin et s’appuie sur un principe un peu rude peut-être, mais exact. Dans
ses aquarelles aux plans d’une simplicité voulue, M. Harpignies exprime avec une
science inattaquable la construction et presque les dessous des choses. Il a de plus un
sentiment poétique ; il mouvementé les branches et les nuages, il fait passer dans ses
ciels des souffles invisibles. Ainsi comprise, i’aquarelle devient de la grande peinture.

Comme M. Harpignies, M. Français a toujours aimé la solitude des bois et les
mystères des campagnes silencieuses. Les œuvres qu’il expose aujourd’hui n’ajoutent
rien à ce qui a déjà été dit de son talent, fait de conscience et d’étude.

M. Jourdain est moins rustique. Dans son aquarelle : Une Parisienne à la ville, il
nous montre une femme au milieu de ses bibelots accoutumés, sous la clarté rouge
des lampes. Ce qui est intéressant dans cette œuvre où manque un peu la finesse,
c’est la franchise de l’impression dans l’étrangeté d’une lumière artificielle.

M. Béraud est passé maître dans le genre où M. Jourdain s’essaye. Les éclairages
bizarres ont toujours séduit cet artiste, qui du reste y réussit mieux que dans les scènes
de plein air. 11 semble cette année étudier passionnément la lumière des théâtres; ici,
elle se glisse en un mince filet et vient éclairer entre deux portants une épaule de
danseuse, un bout d’oreille entouré de cheveux blonds; Ta, elle illumine par en bas
le menton des spectateurs épanouis dans leurs stalles et riant d’un gros rire sous ce
rayon qui chauffe leurs lèvres. Dans cette dernière scène, le Café-Concert, on trouve
une certaine intention caricaturale, mais qui reste dans les limites du goût et montre
une fois de plus chez M. Béraud une rare justesse d’observation. Il y a là comme un
souvenir amoindri du grand Daumier.
 
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