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Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

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Nr. 3
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Ephrussi, Charles: Exposition d'œuvres de maîtres anciens, [1]: tirées des collections privées de Berlin en 1883
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https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0290

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276

GAZETTE DES BEAUX-ARTS.

deux chambres pleines de tableaux. Les autres sont en trumeaux de glaces
et en boiseries dorées ou argentées. La plupart de mes tableaux sont de Watteau
ou de Lancret, tous deux peintres français de l’école de Brabant. » Devenu roi,
il accrédite à Paris le comte de Rothenburg à la fois comme agent diplomatique et
comme délégué spécial pour les beaux-arts. Ce n’est point tout : Knobelsdorf, dont
Frédéric écrivit plus tard l’éloge funèbre, est envoyé à Paris avec la mission de visiter
les ateliers. Nous savons par Frédéric même que Knobelsdorf admirait fort Lebrun et
le Poussin, faisait beaucoup de cas de Carie Yanloo et de de Troy, appréciait « la naï-
veté et la vérité de Chardin », mais qu’il préférait nos sculpteurs à nos peintres,

« leur art étant poussé à la perfection par les Bouchardon, les Adam et les Pigalle ».
Les acquisitions de Knobelsdorf étaient surtout destinées à parer une habitation qui,
appelée d’abord la Vigne, allait devenir si fameuse sous le nom de Sans-Souci.
Commencée en L7 45, la construction de la nouvelle résidence fut achevée en 1747.
11 s’agissait maintenant de remplir la galerie réservée dans la retraite de Sans-
Souci aux objets d’art; les lettres à Rothenburg se multiplient; Frédéric demande
qu’on lui achète des Lancret, des Pater, et surtout des Watteau : « Les tableaux de
Lemoyne et de Poussin peuvent être beaux pour des connaisseurs, mais à dire le vrai
je les trouve fort vilains; le coloris en est froid et disgracieux et la façon ne me plaît
pas du tout ». 11 se plaint assez souvent de ce qu’on lui adresse : « J’ai reçu les der-
niers tableaux de Petit (un des agents de Paris), il y en a trois de fort beaux, deux
médiocres et cinq infâmes. Je ne sais à quoi Petit a pensé, mais c’est de tous les
envois qu’il m’a faits, le plus mauvais ». En 1749, en échange de chevaux qu’il avait
offerts à Louis XY, il recevait du roi de France deux groupes de Sigisbert Adam,
la Pêche et la Chasse, et deux statues de Pigalle, une Vénus et le Mercure attachant
ses talonnières. Frédéric consent à payer des prix raisonnables, mais il règle ses
dépenses artistiques avec une sévère économie : « Libre au roi de Pologne, le gros
voisin, de payer trente mille ducats pour un tableau de Raphaël et d’établir en Saxe
une contribution de cent mille thalers. Telle n’est pas ma méthode. Ce que je puis
avoir à un prix raisonnable, je l’achète; mais ce qui est trop cher, je le laisse. Je ne
puis faire de l’argent, et quant à accabler mes sujets d’impôts, ce n’est pas mon affaire».
En vieillissant, Frédéric reste collectionneur; mais il serre de plus en plus les cordons
de sa bourse : «Un louis de plus, dit le chevalier Chazot dans ses mémoires, et tout
irait à merveille ». Malgré ses précautions, le défiant monarque est souvent dupé,
surtout quand il passe des Français, les préférés de sa jeunesse, aux Flamands et aux
Raliens; on lui vend des Rubens et des Van Dyck suspects; on lui fait payer comme
un original une copie de Vio du Corrège. Aussi rencontre-t-on à Sans-Souci et
ailleurs, à côté d’œuvres authentiques et de réelle valeur, d’étonnantes médiocrités,
trop complaisamment affublées d’étiquettes glorieuses. Les tableaux, une fois entrés à
Sans-Souci, v sont l’objet de soins insuffisants; beaucoup d’entre eux, exposés à un
soleil meurtrier, perdent totalement leurs couleurs ou sont presque rissolés; tel est
le cas de la Mariée de village, de Watteau1, si maltraitée, qu’il a été impossible
de l’admettre à l’Exposition.

1- Gravée par C.-N. Cocbin.
 
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