Universitätsbibliothek HeidelbergUniversitätsbibliothek Heidelberg
Metadaten

Gazette des beaux-arts: la doyenne des revues d'art — 2.Pér. 29.1884

DOI Heft:
Nr. 4
DOI Artikel:
Michel, André: Exposition des dessins du siècle, 2
DOI Seite / Zitierlink: 
https://doi.org/10.11588/diglit.24585#0342

DWork-Logo
Überblick
loading ...
Faksimile
0.5
1 cm
facsimile
Vollansicht
OCR-Volltext
EXPOSITION DES DESSINS DU SIÈCLE.

325

intime idéal. C’est en les comparant aux dociles disciples de Y Idéal mis
en formule, aux imitateurs à la suite, aux professeurs orthodoxes et sté-
riles qu’on saisit bien la profondeur de ce mot d’un père de l’Église :
« Oportet hœreses esse ». Oui, il nous faut des hérétiques.

On nous pardonnera de fausser compagnie aux vivants. Nous aurions
eu plaisir pourtant à dire notre admiration pour les dessins de Puvis de
Chavannes, dont c’est un lieu commun de répéter partout qu’il ne « des-
sine pas », — de parler des paysages au crayon noir de Cazin, si fins, si
candides, pourrait-on dire, pénétrés dans leur simplicité de tant de charme
et de lumière ; des fusains de Lhermitte, des vues delà Seine de Yollon,
des beaux portraits de Paul Dubois et du billet de banque de Baudry ; —
mais nous avons abusé déjà de la patience du lecteur et dépassé les
bornes qui nous étaient assignées.

L’exposition de Meissonier à elle seule mériterait un long article : nous
y mettrions en épigraphe cette note rencontrée dans les Agenda de De-
lacroix : « J’ai été avec Meissonier, chez lui, voir son dessin de la barri-
cade. C’est horrible de vérité, et, quoiqu’on ne puisse dire que ce ne
puisse être exact, peut-être y manque-t-il le je ne sais quoi... J’en dis
autant de ses études sur nature ; elles sont plus froides que la composi-
tion... Immense mérite, malgré cela. »

Cette exposition n’aura pas été inutile. Elle nous a fait assister à l’évo-
lution de l’art français depuis un siècle : elle a montré comment la forte
discipline de David était en somme restée stérile, et comme les généra-
tions nouvelles avaient dû agrandir ou briser le moule imposé par la tra-
dition étroite d’une école, pour exprimer leur idéal nouveau. — Le ro-
mantisme, qui fut une explosion de liberté et un cri d’affranchissement,
eut dans ses manifestations bien des côtés superficiels et dans son esthé-
tique— comme il arrive dans toutes les esthétiques — une grande part de
convention. Il apportait du moins une chose durable et définitive, l’af-
franchissement de l’inspiration personnelle : désormais, l’art repose sur la
valeur individuelle, sur la puissance de sympathie de l’artiste et non plus
sur sa fidélité à tel ou tel dogme traditionnel.

Nous entrons dans une phase nouvelle, où l'exactitude de l’observa-
tion, la précision du document semblent devoir l’emporter sur l’intensité
de l’émotion et l’attrait persuasif du rêve. Nous croyons qu’au fond de
tout véritable artiste un poète attend son heure, et que de tant d’ana-
lyses précises sortira quelque synthèse vivante.

Quel que soit leur idéal, les artistes doivent en tout cas se garder de
croire qu’ils pourront jamais se passer de science et de travail. On n’a
 
Annotationen